Sensualité contagieuse

La Troupe Les Treize propose une adaptation nouvelle pour Les liaisons dangereuses de Christopher Hampton. Une pièce qui met sous les projecteurs l’envers des jeux de séduction avec élégance et sensualité.

Raphaël Létourneau

L’intrigue prend naissance dans la complicité qui lie le Vicomte de Valmont et Madame de Merteuil. Ces anciens amants prennent plaisir à s’adonner librement aux plaisirs charnels sans considérer l’amour comme étant une moralité. En échange de ses faveurs, Madame de Merteuil mettra au défi Valmont de courtiser la jeune Cécile de Volanges pour se venger d’un ex-amant. Celui-ci proposera plutôt une proie plus ardue, Madame de Tourvel, une jeune mariée fidèle et pure. Ainsi, les magouilles séductrices, les manipulations, les découvertes et la déchéance débutent progressivement.

L’atmosphère des Liaisons dangereuses explore l’aristocratie française et le snobisme caractéristique d’une élite au-dessus du monde. Un portrait intéressant qui démontre bien que la richesse et la noblesse ne sont pas synonymes d’éthique et de bonheur.

Voici du théâtre où chaque mot et chaque geste contiennent leur lot d’intensité. Le désir, l’érotisme et la sensualité transcendent chaque scène sans craindre la pudeur. Ainsi, la complicité entre les jeunes comédiens semble naturelle et pleine de charme. Impossible d’ignorer le talent remarquable de Xavier Gagné dans le rôle de Valmont et celui de Geneviève Décarie qui incarne avec brio Madame de Merteuil. Ce premier séduit à chaque mouvement et par sa maîtrise poignante du discours articulé. On succombe aisément sous son jeu minutieux et intelligent au point de se laisser berner tout comme les femmes qu’il aborde. La seconde revêt parfaitement le rôle de la femme fatale aux tentations cruelles. Elle incarne avec grâce cette femme libérée qui contrôle les hommes de ses charmes.

Ces comédiens ont, avec certitude,  un avenir prometteur. Ce talent sublime fait cependant un peu d’ombre aux autres comédiens qui ont, on ne peut le nier, un bagage tout à fait remarquable également. Cette iniquité dans la qualité du jeu est parfois flagrante, mais sans pour autant briser la saveur de la pièce.

Une embrouille dérangeante se retrouve au niveau de l’espace-temps. En effet, la musique qui oscille entre 1930 et 1960, les costumes de l’aristocratie française et les sauts dans le temps peuvent dérouter le public sur l’époque ciblée. D’une autre perspective, le changement des décors par les comédiens à de nombreuses reprises fait des coupures et des longueurs dans le rythme de la pièce. Heureusement, l’intrigue nourrit amplement la patience.

Les Liaisons dangereuses est du théâtre sensuel, parfois à la limite de l’érotisme, qui met de l’avant de jeunes comédiens talentueux. Cette pièce raconte les tortures du désir et de l’amour en interpellant l’être humain dans son intimité. Une occasion nouvelle de s’émerveiller devant les possibilités infinies et intemporelles de l’art.

Crédit photo : Pascal Huot

Consulter le magazine