Soirée canadienne

Premier samedi du Festival d’été de Québec, temps magnifique, programmation variée. Extraits.

Cyril Schreiber

12h30, heure ingrate pour un samedi ? Peut-être moins qu’en semaine, puisque la foule était quand même nombreuse pour voir une curiosité, Gypsophilia, provenant d’Halifax, Nouvelle-Écosse. Au départ groupe-hommage à Django Reinhardt, Gypsophilia a métissé ses influences, et sa musique instrumentale est maintenant un mélange de jazz manouche, funk, indie rock, etc. On a même pu entendre quelques airs juifs, notamment sur les titres plus dansants. Trois guitares, un violon, une contrebasse, une trompette, un clavier et quelques autres instruments, voilà tout ce dont ils avaient besoin pour faire la fête pendant près d’une heure et demie sur la place d’Youville. Dans le rôle du leader naturel, Ross Burns a sans cesse motivé la foule en la parcourant et en y allant de quelques pirouettes acrobatiques. De plus, il a tenu à parler en français le plus possible, ce qui a donné quelques moments de partage linguistique fort amusants. Gypsophilia. une belle découverte.

Le Parc de la Francophonie, alias le Pigeonnier, avait au programme une soirée canadienne avec non pas un ou deux, mais bien trois artistes/groupes du pays. C’est Eight and a half qui a eu la difficile tâche d’ouvrir la veillée à 19h. Heureusement, le public était déjà assez nombreux pour instaurer une certaine ambiance. Le power trio de Montréal et Toronto, qui inclut dans ses rangs des membres de The Stills et de Broken Social Scene, a proposé les pièces electro-rock de son premier album éponyme, un mariage fort bien réussi. Leur musique, malheureusement, tend parfois trop vers le lourd, le chargé – tout ceci n’est pas vraiment lumineux, léger. Mais tant pis, Eight and a half a trouvé sa niche musicale et y excelle.

Deuxième artiste à monter sur la scène Hydro-Québec, l’Ontarien Ron Sexsmith, inséré récemment dans la programmation. Le prolifique songwriter, accompagné par un pianiste, a enchaîné les chansons les unes après les autres, notamment celles écrites avec Feist (Brandy Alexander, Secret heart). Sexsmith, qui a fait l’effort de discuter en français même s’il parle la langue de Molière « comme une vache espagnole », fait un folk peut-être classique mais en tout cas efficace. Ce passage au FEQ 2012 n’était cependant pas le meilleur contexte pour découvrir son univers musical : une batterie a autant manqué sur scène que le silence dans la foule, surtout vers l’arrière du Pigeonnier. On lui accorde un certain courage d’avoir persisté dans de telles conditions. À revoir en salle, où il est sûrement encore meilleur, là où il y a une intimité et une écoute qui ont malheureusement fait défaut ici.

Les vedettes de la soirée restaient les membres de  City and Colour, et surtout son chanteur principal, Dallas Green. Le quintet ontarien, qui était de passage à Québec pas plus tard qu’en février dernier au Grand Théâtre, a rempli sans peine le parc de la Francophonie – il faut dire que le groupe connaît un beau succès mondial. C’est un véritable phénomène, un engouement compréhensible jusqu’à un certain point. Certes, leurs chansons country sont honnêtes, mais tout sauf mémorables, et parfois assez molles. Le groupe a aussi un versant pop plein de bons sentiments parfois agaçant. On leur préférera les pièces plus rock, plus rugueuses, sur lesquelles City and Colour déploie vraiment tout son potentiel, tant au pedalsteel qu’aux guitares électriques. Parmi les meilleurs moments de ce spectacle où la foule fut bruyante et enthousiaste, notons The death of me, As much as I ever could, Weightless et Fragile bird. Dallas Green, ex-chanteur d’Alexisonfire à la voix envoûtante et aux nombreux tatouages, s’est aussi permis quelques titres solos en acoustique, comme Body in a box ou l’excellente Comin’ home. Chapeaux de cowboys et chemises à carreaux à l’appui, City and Colour n’aura pas déçu les nombreux fans venus les voir par ce chaud soir d’été. Les autres, ceux qui ne connaissaient pas le groupe, ont eu la chance de découvrir une formation aguerrie, dont le répertoire ne fut cependant pas entièrement satisfaisant.

 

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