Sonde ton âme, Manu Ségalotti

Pascal Millet

Québec aller simple

XYZ

Ouvrir un roman et y lire, sous une photo de l’auteur, que l’histoire est « inspirée de son immigration et de son installation sur la Basse-Côte-Nord » peut faire frissonner d’effroi, parce qu’alors survient la peur que l’écrivain ait voulu raconter « comme c’est arrivé ». Et      « comme c’est arrivé », souvent, ça ne donne pas de l’excellente fiction.

Pascal Millet a donc écrit Québec aller simple à partir, semble-t-il, de son expérience personnelle. Mais tentons d’en faire abstraction, car l’on parle de littérature, et parce que l’ennuyeuse précision biographique que nous a fournie l’éditeur pourrait ici trop facilement devenir un clou sur lequel taper.

Le narrateur du roman, Manu, est un jeune Français qui se cherche, et pas à peu près. Il ne veut pas faire son service militaire. Ne veut pas vraiment travailler ou étudier. Vadrouille à temps plein. Et décide de partir en Amérique. Visite les États-Unis, Montréal, Québec, et s’arrête quelque temps à Tadoussac. Fait des rencontres. Apprend à conduire un traîneau à chiens. Puis retourne en France. Fait son service militaire, travaille, tombe amoureux. S’emmerde, se cherche encore. Repart à Tadoussac. Fait de nouvelles connaissances, fume de nouveaux joints, découvre le ski sur les dunes de sable, apprend à sacrer. Ne s’est pas encore trouvé, mais aura au moins voyagé. Et voilà.

Un roman d’apprentissage, vous l’aurez compris, et cette idée très européenne de l’Amérique sauvage de Jack London à explorer assis sur le dos d’un husky. Amusant, à première vue. Si notre résumé semble un brin plat et désséché, c’est qu’il apparaît un peu difficile, à la lecture, de mettre le doigt sur l’essence de ce narrateur. Ni sympathique, ni antipathique, ni cynique, ni naïf, Manu semble tellement se chercher que le lecteur finit par le perdre. Les chapitres où l’action se déroule en France convainquent, car c’est là que le texte explore le plus en profondeur l’esprit du personnage, là qu’on nous laisse entrevoir le mieux ses détresses, ses déchirements et ses complexes. Mais les chapitres québécois semblent plus problématiques, car il est parfois difficile d’en saisir le but ; si on nous raconte avec force détails de grands épisodes du quotidien à Tadoussac, rien ne nous permet de comprendre la portée qu’ils ont sur le narrateur.

« À quoi bon ? », a-t-on donc envie de dire en lisant. Mais comme Manu se pose exactement la même question à propos de la vie en général, peut-être peut-on gentiment déduire que le fond du roman a fini par influencer sa forme, ce qui en ferait une réussite, un texte cohérent sur tous les plans. Sans doute. C’est une façon de le voir.

 

Jean-Michel Fortier

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