La compagnie multidisciplinaire Le bureau de l’APA présentait la pièce La jeune-fille et la mort.

Étrange leçon de réalité

La pièce multidisciplinaire La jeune fille et la mort de la troupe Le bureau de l’APA amène les spectateurs dans une salle de classe hors du commun, jonchée d’objets hétéroclites. Un professeur sur une estrade triomphe, alors que des membres plâtrés entourent son bureau. Des casiers en bois, des toiles, des pupitres qui s’ouvrent et se ferment seuls, un décor sale et beige. Sur scène, le quatuor à cordes Sépia accompagne les acteurs-bruiteurs-danseurs-on-ne-sait trop dans leur leçon. Inspiré par la pièce de Schubert du même nom que le spectacle, Simon Elmaleh a créé une trame sonore exquise, qui nous permet de mieux connecter avec les acteurs.

Ce n’est pas évident d’être assis dans une salle éclairée et de s’immerger dans un spectacle. «Mais pour nous, ça aide beaucoup de voir les visages du public. On a vraiment l’impression de parler aux gens, de pouvoir les diriger dans la pièce avec nous», affirme Laurence Brunelle-Côté, auteure et actrice dans la pièce. En tout, 11 personnes habitent la scène.

Malgré sa maladie dégénérative (ataxie de Friedrich) qui la cloue maintenant à une chaise roulante, Laurence Brunelle-Côté impose sa présence sur scène par un regard électrisant. Son copain, Simon Drouin, aussi coauteur de la pièce, guide les étudiants dans cette leçon sur la «jeune-fille» avec expressivité et sérieux.

Mais qui est la «jeune-fille»? «La jeune-fille n’a pas de sexe», explique le personnage de Simon Drouin. Elle représente les humains des dernières générations qui grandissent dans un monde de consommation. Les leçons nous endoctrinent dans ce monde où les rôles sont préétablis et où le but est de plaire et de consommer. «La jeune-fille sait beaucoup trop ce qu’elle veut dans le détail pour savoir ce qu’elle veut en général.» Les phrases se suivent et martèlent répétitivement la pièce.

La jeune-fille et la mort n’est pas un spectacle que l’on peut aimer. C’est plutôt une expérience qui nous laisse perplexe. «Nous avons vraiment joué un coup de dé. Cette pièce n’est vraiment pas facile à suivre, elle amène le spectateur hors de sa zone de confort. Mais jusqu’à présent, nous avons une belle réponse du public», affirme Laurence Brunelle-Côté.

Dans un monde d’action, l’immobilisme de la pièce déroute. Avec banalité, les acteurs garrochent des vérités troublantes, créant un malaise. Tout est étrange: les acteurs se barbouillent au feutre, un vieil homme se dénude et sert à une leçon d’anatomie, un homme imberbe et bedonnant hurle, les ongles peints en noir, les yeux barbouillés de khôl, dans un maillot ultra moulant. Des ânes regardent des toiles de couples s’embrassant. Un sentiment d’étrangeté, une chute touchante, une pièce décousue. Drôle de leçons sur la jeune-fille, sur soi, sur nous.  
 

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