Aperçu du roman Le cabinet des curiosités de David Dorais.

Un curieux cabinet

Le cabinet de curiosités, ce lieu populaire du XVIIe siècle, présentait dans une ambiance des plus hétéroclite le rassemblement d’objets de collection divers. Un tel espace, remplacé aujourd’hui par le musée (lequel ne satisfait cependant pas le goût du visiteur pour l’étrange) a disparu de notre habitus. Ne demeure, pour rendre compte du malaise produit par un tel lieu, que les encyclopédies et les documentaires. Pour les faire revivre, il ne reste que la fiction.  

Le dernier recueil de nouvelles de David Dorais, Le cabinet de curiosités, stimule l’imagination du lecteur et lui fait vivre des émotions fortes à la manière d’un cabinet d’un autre siècle. C’est que chaque nouvelle ouvre la porte à un nouveau monde. Nous sommes tantôt au Québec, tantôt en Allemagne ou en Belgique (à une autre époque), ce qui permet, comme le cabinet en question, de découvrir personnages et objets originaux. On rencontre par exemple une maquette de Bruxelles qui s’anime toute seule, un musicien sataniste, une vierge de l’Europe de l’Est aux trois mains, un casse-croûte montréalais où les serveuses sont des prostituées.  

La première nouvelle de l’ouvrage, «La gemme noire», fait penser à une version borgésienne du «Horla» de Maupassant: le narrateur de ce texte devient lentement obsédé par un livre mystérieux acheté dans une librairie d’occasion, un livre qui intègre dans ses pages des extraits des ouvrages placés à proximité. Idée intéressante, mais dont l’écriture ne sait rendre la juste valeur: «C’était en juin dernier. La session venait de se terminer au cégep, l’air de la nouvelle saison était léger: j’ai eu envie d’un bon roman policier.» Le style plat s’observe par cette façon qu’ont les phrases de se découper, elles tombent à la manière d’une énumération. La volonté de l’écriture de s’effacer derrière le projet, de se mettre au service des histoires et concepts, de ne pas faire de style, avec tout ce que cette idée a d’indéterminé semble être la lacune première du recueil. L’idée ambitieuse à la source de cette première nouvelle ne sait atteindre le langage: ne reste plus qu’un scénario.

On regrette aussi que quelques nouvelles aient une fin un peu prévisible, inévitable depuis la première page. Heureusement, quelques-unes surprennent et amusent malgré tout: pensons ici à «Agnus Dei».

À la manière de Borges, Dorais pousse son lecteur à la curiosité. Le mélange d’érudition et  de mystère rappelle en effet l’auteur argentin, notamment lorsque Dorais nous amène dans la caverne d’Œdipe à Colone où vit un monstre, dans les souterrains de Montréal contrôlés par les Francs-Maçons ou à un spectacle de marionnettes lyonnais. À la manière de Borges, oui, mais sans en posséder l’ampleur.

Le lecteur qui ouvre Le cabinet de curiosités de David Dorais découvrira un monde d’horreur, de malaise et d’humour cynique, un monde dans lequel les enfants disparaissent, où le sous-sol est habité par les monstres. Un cabinet présentant des pièces originales, présentées d’une manière, hélas, un peu banale.

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