Ça se veut bon enfant, sans méchanceté, docile et mielleux. D’abord, ça parle d’amour. Ensuite, ça s’inscrit dans le cadre aseptisé du cinéma, celui des baisers sans fin de Casablanca ou celui des baises comiques d’American Pie. Le premier recueil de nouvelles d’Eveline Mailhot, L’amour au cinéma, sait charrier des histoires tout en délicatesse, lesquelles toutefois se déposent, trop souvent hélas, sur un lit de niaiseries.

Un peu plus lourd qu’un film de filles

 

Si on nous raconte l’amour, on tente d’éviter les femmes fatales, les coups de foudre, les finales en feu d’artifice et sans doute qu’à force de s’ébrouer, les textes réussissent à se départir des miasmes de stéréotypes qui en menacent les pages. Force est de constater, en effet, que l’amour survient, jamais oppressant, jamais tragique, simplement là, motif résurgent qui unit chaque nouvelle. Il faut dire aussi que l’amour ne montre jamais que sa face niaise, celle des passions d’adolescent – bien que parfois – des libidos le mors aux dents – et pourtant – ou des romantiques rencontres d’amants transis – et encore. On y croise tantôt des techniciens de laboratoire qui baisent devant des rats, tantôt d’inquiétants célibataires en vacances à Cuba, on navigue dans le plus vieux thème du monde, aux aguets du pathétisme, avec la certitude que ces archaïsmes ne peuvent à coup sûr montrer patte blanche. Et comme de fait.

La légèreté du thème traîne derrière elle son lot de futilités, de rencontres de bar, de baisers impromptus et de flammes éteintes. Peut-être, ainsi, qu’en se retirant, le livre laisse un relent de film de fille ? Oui. Néanmoins, grésille, de texte en texte, ce bruit grinçant, une sorte d’ironie dans le ton, une écriture faussement naïve, quelques pointes – oh, fort implicites – qui font de nous, lecteurs, de joyeux complices de ces histoires de princesse à l’ère du iPad. Ainsi s’élève de chaque fiction cet air populaire, boys meets girls, on y rentre en terrain connu en nous demandant ce que diable nous venons y faire : on sait comment ça se termine. Non : ces petites constructions du recueil d’Eveline Mailhot savent éviter les chutes de la nouvelle classique et les chutes de la culture d’adolescente. Il présente de ces situations usitées – voire usinées – et les déboutent sous nos yeux : le crime horrible d’un ami ne sera traité que par le silence, l’amour entre deux jeunes gens se meurt dans une ultime rencontre, sans pathos, mais un simple au revoir. On évite, ainsi, ces eaux trop fréquentées et de cette manière, seulement, cette œuvre sur le thème de l’amour n’est pas une vaine entreprise. Seulement, sans doute, la commande était-elle de taille…

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