Tape, c’est l’histoire de deux amis aux antipodes qui se retrouvent après dix ans de séparation. Jonathan est en voie de devenir un cinéaste reconnu tandis que «Vincent est un pompier volontaire, un vendeur de drogue et un éternel ado»

Vérité multiple

Tape, c’est l’histoire de deux amis aux antipodes qui se retrouvent après dix ans de séparation. Jonathan est en voie de devenir un cinéaste reconnu tandis que «Vincent est un pompier volontaire, un vendeur de drogue et un éternel ado», explique Édith Patenaude, qui interprète aussi Amy, la 3e pointe d’un triangle amoureux qui éclatera dans une chambre de motel beige. Cliché ? Peut-être pas… «L’histoire est prenante», promet la metteure en scène. Il s’agit d’un prétexte pour parler de vérités multiples, explique-t-elle : «Chaque souvenir contient sa part d’invention, d’interprétation et de menus détails retenus par la mémoire. Ici, il y a trois personnages, donc trois points de vue, mais une pléiade de possibilités pour le spectateur qui devra constituer sa propre version du passé des personnages».

Visage familier aux habitués des Cabarets Tard-Tard du Périscope, Édith Patenaude signe avec Tape sa première mise en scène professionnelle. Le trio de Québec est complété par Jean-René Moisan (L’Ouest solitaire, La Gloire des filles à Magloire) et Maxime Noël Allen (L’Oiseau vert, La Mouette, Électre).

Malgré que la pièce soit présentée à la Caserne Dalhousie, le temple du gourou Robert Lepage, il ne faut pas s’attendre à un spectacle à grand déploiement. «À l’ère multidisciplinaire, nous avons choisi la simplicité scénique pour exprimer la complexité humaine», prévient la jeune comédienne. Et comme les concepteurs – qui ont également traduit le texte – partagent un intérêt pour les films d’auteur comme ceux de Martin Duberman et des frères Cohen, où «poésie et cruauté naissent dans la langue», l’ensemble du spectacle sera bâché d’une crudité cinématographique déjà présente dans l’univers et dans l’écriture de Belber. «Mais le réalisme ne doit pas exclure une poésie théâtrale. Tape n’est pas un film, tout est dans la proximité, le contact avec le spectateur», précise-t-elle.

Questions multiples
Le Compartiment travaille déjà sur un autre texte – américain également –, où 60 points de vue seront évoqués… De quoi être confondu ! Le nom de la compagnie – de l’italien «partager ensemble» – évoque le wagon de train, un lieu fermé et intime, mais en mouvement, qui suit un chemin précis et permet de se centrer sur soi, tout en observant l’extérieur. «On veut que le spectateur entre dans notre bulle, qu’il se questionne sur ce qu’il voit, et que ça le renvoie à lui-même, souligne Édith Patenaude. On veut développer une démarche artistique, trouver ce qui nous touche, avec intégrité et vérité, et le texte que nous avons choisi parle beaucoup de ces notions.»

«La génération précédente a longtemps répété qu’on pouvait résoudre tous ses problèmes avec les autres en communiquant, mais le langage a ses lacunes… Quelles sont ses limites ?» s’interroge la jeune femme. Une question que la nouvelle compagnie propose de fouiller, tout en restant connectée aux enjeux de son temps. «Il reste peu de tabous non-exploités au théâtre, mais on peut toujours se demander quelles bibittes, quelles angoisses générationnelles nous tiennent encore éveillés la nuit», avance-t-elle.

La visée existentialiste du Compartiment semble intéresser le public qui a très bien réagi aux deux laboratoires qui ont précédé la version finale de Tape, un en avril à la salle Bleue du Périscope et un autre en mai au Carrefour international de théâtre. Pour ceux qui y ont assisté, sachez qu’un prologue et un épilogue, proposés par l’auteur, viennent maintenant encadrer la partie centrale de la pièce d’une durée d’une heure.
Bien que parrainés par le Théâtre du Niveau Parking, Édith Patenaude et ses complices ont toutefois dû jouer du coude pour se tailler une petite place à la rentrée théâtrale 2009 : «Nous devions nous créer une place hors du circuit régulier… Premier Acte est un formidable diffuseur pour la relève, mais c’est comme si tous les jeunes à Québec devaient passer par là, alors qu’il y a d’autres possibilités». La Caserne Dalhousie, lieu de création bien connu à Québec, mais peu utilisé pour la diffusion théâtrale, les accueillera pour dix soirs seulement.

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