Abus et hontes de l’état d’urgence

On devrait tous et toutes se donner la peine de suivre l’évolution des évènements entourant la Conférence de Paris sur le changement climatique (COP21). Personne n’aurait tort de penser qu’il est nécessaire de le faire pour prendre connaissance des engagements pris par les gouvernements dans le cadre de cette très importante rencontre internationale. Je crois surtout qu’il s’agit d’une bonne occasion d’assister à l’ignoble spectacle que peut offrir l’application d’un décret d’état d’urgence face à des mouvements civils.

Je me trouve parmi ceux qui favorisent une intervention conséquente face à la menace globale que représentent les organisations terroristes. Ce serait presque inconcevable d’exiger l’exaltation des valeurs démocratiques tout en continuant de tolérer la barbarie répressive et criminelle à laquelle s’adonnent ces groupes dans leurs obscurs fiefs. Les attentats du mois dernier ne m’ont certainement pas fait changer d’avis.

Devait-on croire cependant, à la suite de l’épreuve parisienne, que c’est par la justice arbitraire et par la répression ouverte sur la population nationale que le gouvernement français choisirait d’imposer au monde ses valeurs de progrès social et de pluralisme politique ? C’est au nom de l’héritage des Lumières que la République Française a entrepris de soumettre une société entière aux affreuses rigueurs d’un régime de restriction. On ne pourrait inventer plus prodigieuse hypocrisie.

Comment a-t-on pu penser que la suspension illégitime des droits fondamentaux devait obligatoirement faire suite à la terreur fanatique ? Entre les attentats et les arrestations spontanées, les fouilles sommaires et la suspension des libertés de presse, le citoyen français se trouve apparemment prisonnier d’un tourbillon de violence religieuse et étatique.

Cet état d’urgence, finalement, c’est un clou de plus dans le cercueil des libertés que le gouvernement français dit vouloir défendre. C’est surtout une étape de plus dans la consolidation de cette culture de l’autorité et de l’ordre aveugle. L’État a bel et bien abandonné la lutte à la terreur et à l’infamie pour y préférer la répression systématique. Les grands gagnants sont toujours les mêmes, ce sont les adversaires de la libre-pensée, qui qu’ils puissent être.

La population française, de son côté, poursuit cette même lutte dans la rue, jour après jour, face à la violence et aux initiatives de son gouvernement. Elle revendique à la fois le respect de ce qui pourrait être promis par COP21, mais plus largement le respect de ses droits démocratiques. Bravo à elle. Entre les multiples photos de poignées de mains et de sourires présidentiels du sommet, peut-être devrait-on montrer un peu plus souvent ce qui ce passe dehors.

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