Civilisation, justice et Ghomeshi

Nous habitons dans un monde plus civilisé que jadis, bien qu’à la lumière des récents évènements qui ont ensanglanté la Semaine Sainte ainsi que la fin de semaine pascale on puisse en douter. Les guerres et conflits en tous genres sont moins nombreux que jadis. Dans notre pays, l’arbitraire a fait place au droit. Chose pas toujours facile, puisque si on ne comprend pas une décision de droit, une décision arbitraire est à la portée de la compréhension de tout le genre humain.

Souvenons-nous de l’ahurissement, de l’incompréhension et – comme c’est toujours le cas – de la colère des Québécois à la suite du procès de Guy Turcotte. La gronde allait durer jusqu’à la nouvelle condamnation de ce dernier. Or, Turcotte était coupable et il ne le niait pas.

Cette semaine, Jian Ghomeshi a été déclaré innocent d’agression sexuelle et d’avoir vaincu la résistance d’une de ses victimes par l’étranglement. Des manifestants attendaient celui que les tribunaux avaient jugé innocent pour manifester leur outrage face à ce jugement inique. Or, Ghomeshi n’était peut-être pas coupable.

Depuis, on a eu droit à une avalanche de textes – certains très bons d’ailleurs – sur comment le système de justice canadien n’est pas efficace pour défendre les victimes (ce que nous répète depuis si longtemps le sénateur conservateur Boisvenu), et qu’un tel jugement pourrait décourager certaines femmes à dénoncer leurs agresseurs.

Il y a du vrai dans tout cela. Parfois, notre esprit applique des moyens d’autodéfense en brouillant des souvenirs de nature traumatisante. Parfois, les victimes ne réalisent pas qu’elles sont des victimes ni qui est leur bourreau (je vous renvoie ici aux courriels de Ghomeshi).

Sauf qu’un système de justice, pour être juste et équitable, doit partir des prémisses que nous sommes tous innocents jusqu’à preuve du contraire et qu’on ne peut pas croire un accusateur, aussi victime soit-il, sur parole. Une fois les preuves et témoignages pesés, il faut rendre jugement et déclarer un individu coupable que si aucun doute raisonnable de son innocence ne persiste. Or, ce ne fut pas le cas lors de ce procès.

Nous pouvons le déplorer. Pourtant, c’est l’un des gages qui fait que nous vivons aujourd’hui dans un monde plus civilisé que jadis. Que nous ne sommes plus à une époque où un homme décidait de vie ou de mort en tendant le pouce dans la direction que la foule, excitée, lui intimerait.

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