Mustapha Bettache est professeur à la Faculté des sciences sociales, au département des relations industrielles de l’Université Laval.

Gratuité, gel, indexation? Pistes de solution…

Mustapha Bettache est professeur à la Faculté des sciences sociales, au département des relations industrielles de l’Université Laval.

Ne nous trompons pas, le débat actuel sur les frais de scolarité est de nature politique, puisqu’il concerne un projet de société. Un droit à l’éducation est à opposer à la formule consacrée de l’utilisateur payeur. Il s’agit aujourd’hui, pour une « gouvernance souverainiste », d’un véritable test en lien avec les inégalités sociales.

L’éducation gratuite pour le niveau universitaire serait utopique tant elle est décriée, faute de possibilités de financement. Du moins, c’est l’argument sans cesse martelé, légitimé par les tenants de cette approche. Le Québec, nous dit-on, n’est pas la Suède, ni l’Allemagne, ni la France, ni le Danemark ni d’autres pays encore, qui offrent une éducation gratuite, et ce, jusqu’à la fin du doctorat.

L’éducation gratuite n’est donc pas une utopie puisque d’autres pays l’ont adoptée. Ces pays sont-ils sur une autre planète? La mondialisation (et tout ce qu’elle a apporté de mal ) ne les concerne-t-elle pas ? Le gouvernement du Parti québécois affirme vouloir privilégier la voie de l’indexation, en raison de l’état actuel des finances du Québec. Cela dit, l’indexation des frais de scolarité peut vraisemblablement être assimilée à une hausse des frais de scolarité, de l’avis même des représentants étudiants. Dans cette optique, les frais de scolarité deviendront un fardeau important pour les étudiants, eu égard à la croissance du coût de la vie, et ce, sans compter que l’éducation serait assimilée à n’importe quel produit. Quant au gel des frais de scolarité, il pourrait représenter une sorte de «statu quo»…vers la gratuité? Encore là, faudrait-il que le gel puisse s’appliquer aussi aux frais dits «afférents», qui s’avèrent tout aussi importants.

S’agissant des moyens financiers, est-il réaliste d’aller chercher une contribution des étudiants, privant du même coup ces derniers d’un « droit à l’éducation », quand on sait que l’on peut trouver d’autres façons de financer l’enseignement supérieur et en faciliter l’accès? Une contribution fiscale des entreprises prendrait ici tout son sens, d’autant que ces dernières sont bénéficiaires de l’éducation en général. La richesse qu’elles affirment générer n’en résulte-t-elle pas? Ne doivent-elles pas mettre la main à la pâte, d’autant qu’elles ont, bien plus que les étudiants, les capacités de contribuer au financement des universités? Dans une étude récente réalisée en 2007 et consacrée à la gratuité scolaire et au réinvestissement post-secondaire, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques ( un institut indépendant ! ) proposait déjà d’augmenter la taxe sur le capital des institutions financières, telles les banques et les compagnies d’assurances, solution qui ne nuirait sans doute pas à la rentabilité de ces institutions financières si l’on se fie à l’évolution de leurs profits.

Une bonne gestion des universités, une révision des modes d’allocation de l’aide financière tournée vers l’aide aux plus démuni constituent autant d’autres sources à considérer dans le débat actuel.

Nul doute que l’abolition des frais de scolarité tendrait à accroître la fréquentation universitaire et surtout, permettre aux plus démunis l’accès aux études supérieures. N’oublions pas: l’université est une institution de bien commun et toute solution devra refléter le souci d’une justice sociale, loin des appétits financiers.

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