Photo : Danika Valade

Le baccalauréat en ethnologie et patrimoine sous les néons

L’ethnologie, comme nous le rappelait le professeur Philippe Dubé dans un article paru récemment dans Le Devoir, permet de s’attarder à la culture et à ses multiples facettes. Tout élément du quotidien peut présenter un intérêt pour l’ethnologue. Loisirs, pratiques alimentaires, culture matérielle, relations interculturelles, rituels et traditions en tout genre ne sont que quelques-uns des champs que l’on peut explorer. Question de faire honneur à notre discipline et d’exposer notre point de vue d’étudiant(e)s, dans la foulée de ce qu’on finira peut-être par appeler l’ethnologiegate, ce texte prendra la forme d’un petit conte nouveau genre.

Imaginons une jeune fille. Appelons-la Joanie-Audrey. Un jour, Joanie-Audrey, se découvre un intérêt marqué pour le bronzage. La technologie utilisée, le public cible, la différence entre beau brun doré et rouge brûlé, tout ça l’intéresse au plus haut point. S’imaginant un jour responsable en chef du grillage quelque part en ville, elle souhaite se former et devient assistante aux machines au salon Hola el sol del sur caliente caliente, la succursale d’une chaîne réputée.

Petit à petit, Joanie-Audrey découvre les coulisses du monde du bronzage. La clientèle n’est pas au rendez-vous. Malgré les promotions « Un bronzage vous donne droit à un gel à la noix de coco gratuit » et des essais de bronzage à distance pour les gens en région éloignée (un ensemble comprenant auto-bronzants, casquette promotionnelle et instructions complètes en ligne pour l’application des produits), le salon va mal.

Elle se rend également compte que nombreuses sont les visions du bronzage au sein de son salon. Si certains employés font une association systématique entre la pratique et la tendance fitness, d’autres parlent davantage du bronzage comme d’un soin préventif permettant de préserver la bonne santé de la peau des vacanciers voyageant avec Sunwing. D’autres, encore, adhèrent à une vision créative de leur métier en proposant aux gens d’imprimer sur leur peau la forme d’adorables bébés chats.

La cohabitation de plusieurs visions au sein d’un même groupe peut être enrichissante. Malheureusement, comme la discussion est difficile entre les membres du personnel, Joanie-Audrey en conclut que : « Si on n’avance pas tous dans la même direction, il y a de fortes chances qu’on finisse par reculer. »

À ces problèmes internes s’ajoutent des coupes budgétaires effectuées par la direction générale de la compagnie. Tous s’attendent à la fermeture de la succursale. Malgré la tenue d’une réunion spéciale rassemblant l’ensemble du personnel, la situation ne s’améliore pas. Joanie-Audrey, qui s’était beaucoup investie en préparant une présentation power point (avec des animations!) exposant plusieurs solutions à envisager pour dynamiser le salon, est désabusée et a envie de baisser les bras.

Cet hiver, la menace qui planait se concrétise finalement. Les activités du salon sont suspendues. La compagnie annonce, pour compenser la mauvaise nouvelle, qu’elle investira dans sa gamme de produits auto-bronzants. « Or, se dit Joanie-Audrey, si les ressources en tout genre manquent pour faire vivre le salon, comment peut-on penser qu’on pourra développer la nouvelle gamme Brun Punta Cana 26 sans difficulté? » Ne vous y méprenez pas, la jeune fille aime encore le bronzage. Toutefois, comme ses collègues, Marius, Luc, Madeleine et Simone, elle se demande ce qui peut véritablement être fait pour sauver cette science.

La morale de ce conte est que sans équipe forte et avec très peu de ressources, une discipline, si intéressante soit-elle, aura toujours du mal à trouver sa place au sein d’une université. Si nous, étudiant(e)s, nous sommes peu fait entendre à la suite de l’annonce de la suspension des inscriptions au baccalauréat en ethnologie et patrimoine, c’est que nous ne souhaitons à personne d’étudier dans un programme qui vivote. Il paraît que le certificat et les programmes de deuxième et troisième cycles permettront de faire vivre la discipline. Nous ne demandons qu’à le voir.

Nous espérons que vous nous pardonnerez l’analogie un peu douteuse.

Malgré tout, longue vie au bronzage (et à l’ethnologie!)

Les ultimes étudiantes du baccalauréat en ethnologie et patrimoine

Myriam Nickner-Hudon, finissante

Sabrina Gamache-Mercurio, finissante

Évelyne Vincent, première année

Sandrine Contant-Joannin, finissante

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