La liberté en temps de guerre

À ce qu’il paraît, notre pays est en guerre en Irak et en Syrie. Nos troupes ont même essuyé des coups de feu et engagé les méchants. De la légitime défense explique le gouvernement. Il semble évident qu’il ne s’agit pas de légitime défense quand nos soldats sont assez près pour essuyer des coups de feu dans un pays où nous ne sommes supposés avoir de troupes au sol, mais bon il faut bien s’expliquer même après coup.

Nous sommes en guerre contre le terrorisme, ce n’est pas nouveau. Même que les méchants attaquent la rédaction d’un journal français. Lorsque ça arrive, il est temps de protéger la liberté d’expression. Nous allons au front pour cela, dans les rues du « monde libre », comme dans le sable du califat.

Les gens ont marché, au Québec comme à Paris afin de se solidariser et de crier leur amour pour la liberté d’expression. Cette semaine, par contre, Denis Coderre a rassuré la population : à Montréal, pas question de laisser Hamza Chaoui, un imam radical ouvrir un centre communautaire qui ferait la promotion de ses vues absurdement radicales et opposées aux valeurs québécoises.

L’imam Chaoui, un ancien de l’UL, a en effet des valeurs très différentes de celles habituellement reconnues comme étant celles des Québécois. Par exemple, au registre des droits des femmes et des homosexuels, l’imam fait totalement fausse route et prône une vision rétrograde, dangereuse et révoltante de la vie en société. Ses propos sont tout simplement dégoûtants.

N’empêche toutefois que l’imam a des droits.

Certains affirment qu’il peut avoir les valeurs qu’il désire, mais ne devrait pas pouvoir les exprimer au sein de son centre communautaire (qui est en fait une mosquée). Joanne Marcotte, par exemple, sur Twitter allait dans ce sens.

Ces gens ne semblent toutefois pas réaliser que ce qu’ils octroient à Chaoui est la liberté de penser. Heureusement, il a aussi droit à la liberté d’expression. C’est très dommage pour les gens qui ne pensent pas comme lui (tout le monde), mais il a le droit de dire les choses qu’on lui reproche d’avoir dites.

Il est tout à fait paradoxal de voir le maire Coderre, celui qui a fait flotter le tricolore au nom de la liberté d’expression de Charlie Hebdo, rassurer les bonnes « genses » et jurer qu’il ferait tout en son pouvoir pour que l’imam qui sème la controverse ne puisse pas ouvrir sa mosquée.

Malheureusement pour lui et pour d’autres la liberté d’expression ça fonctionne tout bord tout côté.

L’avortement, par exemple, est légal au Canada. Le libre-choix des femmes par rapport à leur corps est une valeur canadienne relativement reconnue. Des gens s’opposent toutefois à l’avortement, ouvrent des centres, se regroupent et manifestent contre l’avortement. En utilisant la même logique qu’avec l’imam Chaoui, nous devrions utiliser les mêmes stratégies pour arrêter ceux qui s’opposent à l’avortement. Ce serait absurde.

L’imam Chaoui ne semble pas poser un plus grand risque en ce moment que les illuminés qui manifestent devant la clinique Morgentaler.

Oui nous sommes en guerre contre des gens prenant leur idéologie à la même source que l’imam Chaoui, mais c’est justement parce que nous sommes différents que nous ne devrions pas museler l’imam Chaoui, au nom de nos valeurs justement.

Nous ne sommes pas en guerre contre la pensée, nous sommes en guerre contre de méchants terroristes.

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