Allez, avouez-le, nous sommes tous un peu voyeurs. Les sous-vêtements qui pendent sur la corde à linge des voi­sins passent rarement inaperçus, tout comme les nombreux liftings de Steven Tyler ou Johnny Hallyday.

L’homme derrière le Kalachnikov

Raphaël Lavoie

Allez, avouez-le, nous sommes tous un peu voyeurs. Les sous-vêtements qui pendent sur la corde à linge des voi­sins passent rarement inaperçus, tout comme les nombreux liftings de Steven Tyler ou Johnny Hallyday. C’est dans la na­ture humaine. On ne peut pas y faire grand-chose et notre époque un peu folle n’aide en rien.

Maintenant, dites-moi que vous n’avez rien lu sur Richard Henry Bain, l’homme soupçonné d’avoir perpétré l’attentat de mardi dernier au Métropolis. Dites-moi sérieusement que vous n’étiez pas du tout curieux de connaître l’homme der­rière le Kalachnikov.

Ses déboires avec les instances municipales, ses 22 armes à feu, sa passion pour le Canada et le plein air, son mince passé judiciaire ( entre autres une amende pour avoir fait crisser ses pneus, attention tout le monde ), tous les détails de sa vie récente ou presque sont passés sous presse. Je n’en avais plus assez de mes dix doigts afin de compter tous les articles d’information périphérique parus sur Richard Henry Bain la semaine passée. C’est tout dire. En voulez-vous du croustil­lant ? En voilà !

Devant l’incompréhension des Québécois pour cet acte im­monde, les médias ont tenté de trouver un sens aux actions de M. Bain. Et il n’y a rien de répréhensible là-dedans. C’est bien le rôle des entreprises de presse après tout. Chercher. Trouver des réponses.

Pourtant, je n’ai pu réprimer un certain malaise devant un tel éventail de la vie privée d’un présumé assassin. Je n’ai pu m’empêcher d’y voir une forme plutôt malsaine de voyeurisme.

Les médias ne sont pas à blâmer. Sans intérêt du lectorat, ces articles n’existeraient pas. La loi universelle de l’offre et de la demande s’applique partout, même aux entreprises de presse. Il faut davantage se questionner quant à notre volonté collective de tout savoir sur tout, en particulier lorsqu’il est question de suspects criminels. Sommes-nous capables en tant que société de tracer la ligne entre l’information utile et celle que l’on consomme par curiosité gourmande ?

Que l’on discute des dernières frasques alcooliques de Charlie Sheen autour de la machine à café, je peux encore comprendre. Que l’on s’échange par courriel un lien menant à une vidéo présentant le démembrement d’un étudiant chinois par un désaxé, là, je n’y vois foutrement pas l’intérêt. Et ça me désole.

Le profil de Richard Henry Bain n’est pas du même calibre que celui de Luka Rocco Magnotta. Toutefois, le principe de curiosité morbide reste le même. À trop vouloir en savoir, on finit par encore moins comprendre.

Dans ces deux cas, et dans plusieurs autres, il y aura un procès. Et viendront alors les réponses. Plutôt que de fouiller frénétiquement le passé de ces présumés tueurs, pourquoi ne pas attendre ? En tout cas, moi, j’attendrai.

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