La boîte de Pandore est ouverte

 

PHOTO: Courtoisie

Deux éléments seront déterminants : la démocratie et la bonne performance des institutions pakistanaises, estime Sami Aoun, professeur en histoire et science politique à l’Université de Sherbrooke et directeur de recherche sur les questions liées au Moyen-Orient à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQÀM. D’entrée de jeu, M. Aoun a pointé les politiciens civils de la coalition au pouvoir : ils doivent être responsables et aptes à instaurer un régime démocratique au Pakistan.
«La démocratie au Pakistan n’est jamais assez solide pour résister aux coups d’État. La faiblesse des élites a souvent été la raison des militaires pour prendre le pouvoir. Il est impératif d’établir une démocratie durable avant qu’on ne croie que la seule gouvernance possible soit faite par un dictateur éclairé», commentait le professeur en entrevue téléphonique avec Impact Campus.

Les dix jours suivant la démission de Musharraf n’ont pas été très concluants. En effet, le gouvernement de coalition – composé de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz et du Parti du peuple pakistanais, parti dirigé par le veuf de Benazir Bhutto – a volé en morceaux le 25 août, une semaine après le branle-bas de combat à la présidence. Visiblement, les deux partis n’ont pas réussi à mettre leurs différends de côté bien longtemps avant que ces derniers ne reviennent exacerber leur rivalité.

La bonne performance des institutions pakistanaises sera absolument nécessaire au contrôle de territoire, croit également M. Aoun. «La séparation des trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire dans des instances saines est un pré-requis afin que l’État puisse assumer sa souveraineté territoriale et le monopole de la violence légitime dans ses frontières. Il faut éviter que des poches de rebelles séparatistes ou de membres d’Al-Qaïda continuent leurs activités sur les territoires au nord-ouest du pays», selon l’expert du monde islamique.

À la croisée des chemins
Mais la démission de Pervez Musharraf ouvre une boîte de pandore. Pour Alain-Michel Ayache, professeur au Département de science politique de l’UQÀM, ce départ amène plus tôt que tard le pays à la croisée des chemins : «Le Pakistan se trouve devant un choix difficile : celui d’opter pour le chemin de la démocratie rêvé par Benazir Bhutto ou succomber à la tentation islamiste, probablement dirigé par Nawaz Sharif. Quoi qu’il en soit, l’instabilité est à craindre dans les prochains mois», note M. Ayache.

Il faudra donc éviter que ne se forme une alliance entre la Ligue musulmane du Pakistan et le parti islamiste de Qaide Azam, un proche de Musharraf. Ces deux partis possèdent assez de sièges pour former une majorité, ce qui reléguerait bien loin dans la liste des priorités la mise sur pied d’institutions démocratiques au service du peuple.

Le professeur de l’UQÀM ajoute que la situation économique du pays n’aide en rien à la stabilité nationale. Un système économique faible dans un contexte de mondialisation de plus en plus influent joue beaucoup dans la crise politique que traverse le Pakistan.
L’allié des États-Unis
Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis avaient fait du Pakistan leur principal allié de la région dans la guerre au terrorisme. Officiellement, la position de la Maison-Blanche serait toujours la même.

«Le président [des États-Unis] et le premier ministre [du Pakistan] ont réaffirmé leur support mutuel dans la chasse aux extrémistes qui menacent le Pakistan, les États-Unis ainsi que le monde entier», soutenait en point de presse Gordon Johndroe, le porte-parole de la Maison-Blache pour la sécurité nationale, le 21 août.

Le New York Times avait cependant un autre son de cloche à donner : «La suspicion entre les services de renseignement américains et pakistanais, ainsi que leurs armées, est de plus en plus grande. Les relations entre les deux pays sont au plus bas depuis que M. Musharraf a plaidé en faveur d’une alliance du Pakistan avec les États-Unis après les attaques du 11 septembre 2001», écrivait Jane Perlez dans l’édition du 18 août 2008.

Le prochain président devra donc avoir les reins assez solides pour remettre le pays sur la voie de la démocratie. Et ainsi éviter que le Pakistan ne devienne un simple champ de bataille américain de la lutte au terrorisme.

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