Richesses et conflits

Piura, Pérou – Le Pérou est le troisième producteur mondial de cuivre et de zinc, le premier producteur d’argent et le cinquième pour l’or. Une partie des profits retourne nécessairement au gouvernement, en impôts et en redevances.

Entre 2002 et 2007, les redevances et impôts payés par l’industrie extractive au gouvernement ont augmenté significativement grâce au contexte favorable des prix des minéraux et aux investissements étrangers attirés par la valeur des gisements. En cinq ans seulement, cette source de revenus du budget national est passé de 6 % à 30 %, selon la revue du groupe Proposition citoyenne (Propuesta ciudadana, groupe promouvant la participation citoyenne à travers le Pérou) d’avril 2007. Le groupe constate que les profits records de 2007 en font le deuxième apport le plus important dans le trésor public.
Le ministère de l’Énergie et des Mines du Pérou calcule que de 1996 à 2007, les exportations du secteur minier sont passées de 2,654 milliards de dollars -à 15,3 milliards de dollars (US). Ce secteur de production est donc devenu le premier générateur de devises étrangères, l’industrie minière composant à elle seule 62 % des exportations du pays en 2007, selon la Société nationale privée de mines, pétrole et énergie.

L’industrie minière est appelée à croître, et ce, de la volonté même du gouvernement central. En avril 2008, le président de la république, Alan Garcia, déclarait que «le Pérou peut devenir le premier producteur minier du monde» alors qu’il ne profite en ce moment que de 10 % de sa richesse. Il a soutenu, à la radio CRE (Équateur), que d’ignorer cet avantage condamnerait les Péruviens à la misère, exprimant ainsi l’indispensabilité de ce secteur pour le développement du pays.

Les régions productrices profitent
Tout comme le gouvernement central, les gouvernements des régions productrices profitent d’une redistribution à travers du Programme minier de solidarité au peuple (connu sous le nom d’«apport volontaire»). Ce montant, transféré aux régions, atteint lui aussi des sommets pour 2007. Malgré tout, le groupe Proposition citoyenne soutient que ce programme minier empêche le Pérou de profiter pleinement des profits croissants des entreprises du fait qu’il s’agit d’un apport volontaire et non d’un pourcentage fixe.

Le groupe rappelle que la majorité (80%) des profits supplémentaires réalisés l’an dernier par les entreprises minières a été encaissée grâce à la seule hausse des prix des métaux sur les marchés mondiaux. Tout en recommandant à l’État péruvien de modifier son programme, le groupe Proposition citoyenne rappelle la tendance mondiale qui vise à capturer une partie de ces profits faramineux.

Richesse et partage, le débat
La stabilité politique des dernières années a encouragé les investisseurs étrangers à venir exploiter les ressources naturelles du pays. Cependant, l’insatisfaction des communautés quant aux entreprises d’exploitation minière risque de ramener un climat d’instabilité et un rejet populaire de ce type de développement. Déjà, l’entreprise minière canadienne Manhattan a dû quitter TamboGrande, au nord du Pérou, face au refus de la population à ce qu’elle exploite un gisement. Les paysans refusaient cette exploitation puisqu’elle aurait nui à l’irrigation de leurs terres.

Le groupe Proposition citoyenne résume bien le débat. L’impact de cette industrie sur l’environnement est important, mais la réaction des communautés andines ne relève pas du simple «pas dans ma cour». Elles craignent pour leurs droits économiques et sociaux.

En effet, le groupe explique que l’État semble plus enclin à défendre le droit d’exploitation des entreprises que les droits humains de sa population, qui désire profiter elle aussi de la richesse de sa terre et non seulement subir les dommages
environnementaux.

Le groupe Proposition citoyenne constate la faiblesse de l’État à tous les niveaux dans la gestion de la richesse qui en découle. Il rappelle à maintes reprises la difficulté des divers paliers de gouvernements à mettre en oeuvre des projets avec les redevances perçues. Et la concentration des ressources financières dans les régions productrices perpétue une iniquité économique à travers le pays.

L’auteure a effectué un stage d’initiation à la coopération internationale Québec sans frontières avec Développement
et Paix.

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