Avancée du droit international

«Ça fait une trentaine d’années que les droits des autochtones sont examinés par l’ONU. […] Aujourd’hui, les droits collectifs des autochtones ont finalement été reconnus, ils font bel et bien partie du droit international», s’est réjoui Roméo Saganash, qui a participé à la rédaction de la déclaration dès 1984, lors de la conférence «Droits des autochtones: une question internationale». Ce document, adopté le 13 septembre 2007 par les Nations unies, représente beaucoup pour lui et les 370 millions d’autochtones dans le monde.

Organisée par le centre Justice et foi, une discussion sur le sujet a réuni, au Musée de la Civilisation, plusieurs intellectuels et leaders du domaine autochtone : outre Roméo Saganash, juriste réputé, ancien vice-grand chef Cris, Jean-Jacques Simard, sociologue et auteur du livre La réduction, portant sur la création en Occident d’une image du «bon Indien» et de ses stéréotypes sociologiques, et Gérald Mackenzie, ancien président de la Ligue des droits et libertés du Québec, étaient au rendez-vous.

La Déclaration des droits des autochtones situe en 47 articles des droits comme celui à l’auto-détermination, à des services de base décents, et couche sur papier l’affirmation des droits humains fondamentaux. D’après l’intitulé de la déclaration même, «les peuples autochtones, dans l’exercice de leurs droits, ne doivent faire objet de discrimination.»

Ici au Canada, on peut se rappeler de nombreux cas de discrimination envers les Premières Nations, notamment celles induites par le système juridique, ce qui a attiré l’attention de l’ONU en 2005. Également, les conditions de vie dignes du tiers-monde présentées par Richard Desjardins dans son documentaire Le peuple invisible restent une réalité pour bien des autochtones du pays, mais aussi pour beaucoup d’autres à travers le monde. Le libellé de la déclaration de l’ONU rappelle que les populations autochtones sont parmi les plus vulnérables et les plus pauvres au monde.

Pays peu coopératifs
Toutefois, le Canada, à l’instar des États-Unis, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, s’est opposé à la déclaration en ne la ratifiant pas. Notamment, les quatre pays, à contre-courant des 143 autres en sa faveur, ont émis des réserves sur l’interférence de la déclaration avec leur souveraineté étatique.

Ces pays ont un lourd passé colonial et ont parfois usé de politiques de répression envers les autochtones. Entre autres, les fameuses boarding schools, véritable système d’aliénation culturelle, ont sévi jusque dans les années 1970 dans ces pays pourtant modernes. Connaître la position et les motivations du gouvernement de Stephen Harper quant au refus de signer la déclaration est difficile : «C’est une cible mouvante», de dire M. Saganash. Chuck Strahl, ministre des Affaires indiennes depuis 2007, affirmait dans une lettre publiée dans le National Post le 14 septembre 2007 que «la déclaration ne ser[vait] pas vraiment les intérêts des peuples autochtones».

Contradictions
Malgré le consensus autour de l’aspect innovateur et l’importance du document adopté par l’ONU, notamment en cette année de promotion des droits de l’Homme, on a pu voir les points de vue des conférenciers s’affronter entre «l’extrême importance de la déclaration» et ses contradictions, comme l’opposition des droits individuels par rapport aux droits collectifs, présentées par M. Simard. Cette opposition est fréquemment relevée en droit international, puisque celui-ci affirme des droits collectifs qui s’appliquent seulement à une personne en tant que membre d’une communauté, et non en tant qu’individu bénéficiant de droits en tant que tel. De plus, nombre de ces droits reposent sur l’État et ses services. Par conséquent, ils ne sont pas universels.

Par contre, les deux autres conférenciers ont souligné qu’une déclaration est un document généralement peu contraignant, une sorte de canevas légal et constructif à partir duquel il est possible d’initier d’autres solutions.

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