Au cours des dernières semaines, la Birmanie, l'un des États les plus fermés de la planète, a montré de façon inattendue certains signes d’ouverture d&ea

Dans les rouages de l’ouverture birmane

Le président Thein Sei a annoncé, le 30 septembre dernier, que le gouvernement suspendait un projet hydroélectrique devant la mobilisation monstre de l’opinion publique et la dissidence au sein même du pouvoir. Le 7 octobre, Tint Swe, responsable de la surveillance de la presse, a déclaré que la censure devait être abolie, n’étant «pas en harmonie avec les pratiques démocratiques». Le 11 octobre, la libération de 6300 prisonniers a été annoncée. Le 14 octobre, les Birmans ont obtenu le droit de grève et de se syndiquer.

Quoiqu’un nombre appréciable de détenus politiques aient été déjà libérés sur fond d’appels pressants de la toute nouvelle Commission nationale pour les droits de l'homme, ce n’est pas la première amnistie d’envergure en Birmanie. Néanmoins, dans ce contexte de démocratisation, « ça semble plus sérieux », estime Gérard Hervouet, directeur de Paix et Sécurité Internationales aux HEI et spécialiste de l’Asie du Sud-Est, qui demeure toutefois prudent dans son pronostic.

En septembre 2007, la révolution safran, initiée par des moines bouddhistes, avait été violemment réprimée. Il s’agissait du premier désaveu du régime par les bonzes, alors que ce dernier veillait soigneusement à préserver leur aval. En Birmanie, une majorité écrasante de la population est bouddhiste et les moines sont très respectés de la population, rappelle le professeur Hervouet, qui souligne que ce geste avait accentué son isolement sur la scène internationale tout en braquant l’opinion populaire. De surcroît, en mai 2008, l’aide étrangère subséquente au cyclone meurtrier Nargis avait été entravée et le référendum sur la nouvelle constitution avait été frauduleux. Puis, en 2009, la nouvelle administration américaine était passée à la vitesse supérieure en accusant la junte militaire d’avoir des ambitions nucléaires.

Selon le Pr Hervouet, les multiples condamnations et sanctions américaines et européennes auront laissé la Chine devenir toute-puissante dans l’économie birmane, de façon naturelle considérant leur frontière commune de 2185 km. Le pouvoir, conscient de sa dépendance, chercherait donc à diversifier les sources d’investissement dans ses richesses naturelles largement inexploitées.

Par ailleurs, des pressions considérables sont issues de l’adhésion de la Birmanie à l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) en 1997 et à la ratification de sa charte en juillet 2008. Le document met l'accent sur la coopération en Asie du Sud-Est et l’intégration de l’économie des pays signataires, et les engage dans la protection des droits humains. La Birmanie ne pouvait pas se permettre de s’exclure de ce traité, soutient le Pr Hervouet, qui met en lumière les accrochages diplomatiques avec l’Europe découlant de la présence de l’État voyou au sein de l’ASEAN. Critiqués pour leur tiédeur à inciter cet encombrant partenaire à respecter les droits humains, les pays membres ne se privent toutefois pas de presser le régime à s’ouvrir à la coopération économique, souligne-t-il. Selon lui, si la Birmanie parvient à convaincre de sa bonne foi l’Union européenne, les investissements arriveront très rapidement.

Devant une telle conjoncture, les États-Unis se sont montrés d’un prudent optimisme, réclamant le 17 octobre la protection des droits des minorités ethniques du pays et la libération de tous les prisonniers politiques. Une question loin d’être anodine, relève Gérard Hervouet, qui explique que le régime se présente comme rempart contre l’éclatement de l’Union birmane. Par ailleurs, le 14 octobre, l’Inde a annoncé des investissements de 500 millions de dollars dans le pays, félicitant les réformes en cours.

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