Repenser un modèle

Paris – «En venant en France, les immigrants pensent améliorer leurs conditions, mais se heurtent à des problèmes chroniques de chômage, d’intégration et de pauvreté», affirme Claire Rodier, présidente de l’association Migreurop.

Tout comme de nombreuses organisations de défense des sans-papiers, elle dénonce le discours politique français actuel, axé sur la peur et proche de l’extrême-droite populiste, ayant «déclaré la guerre aux immigrants et désireuse de construire une Europe forteresse». Avec la création d’un nouveau ministère de l’Immigration, de l’Identité nationale et de l’Intégration, la France tente de se doter d’une politique cohérente de maîtrise des flux migratoires, en organisant l’immigration légale avec des quotas et un système de points à la canadienne. «C’est la condition impérative, afin de restaurer une image positive de l’immigration et rendre possible l’intégration des nouveaux arrivants», a affirmé dans la presse Nicolas Sarkozy, Président de
la République.

En France, s’il est possible d’établir une corrélation entre le niveau de pauvreté sociale et les immigrants de première génération sur la base de recherches sociologiques, il est tout à fait impossible de le faire pour leurs enfants et les générations suivantes, desquels le gouvernement perd toutes traces statistiquement. Le concept de race n’est pas admis officiellement en France, et est donc jugé illégitime comme indicateur social, puisque tous les citoyens sont a priori égaux devant l’État français, sans égards à leur pays d’origine ou à leur couleur.

Pourtant, dans de nombreux pays occidentaux, les États-Unis entre autres, la question ne semble pas problématique. L’État peut demander ouvertement sur des formulaires officiels aux destinataires de cocher la case correspondant à leur race. Comment se tranche alors l’appartenance à une race plutôt qu’une autre lorsque qu’il y a ambiguïté ? Cela se fait par la catégorie à laquelle s’identifie lui-même l’individu interrogé. Le professeur et historien Laurent Wirth explique que «l’État français refuse de faire référence à toute idée de race pour des questions essentiellement historiques», en faisant référence à l’existence de telles listes dans le passé et à leurs conséquences dramatiques. En effet, à l’époque de l’occupation nazie, cette catégorisation raciale avait servi au gouvernement collaborationniste de Pétain afin de perpétrer des atrocités contre la population de son propre pays, juifs d’abord, et ensuite contre toutes les origines ne correspondant pas aux critères aryens.

Une politique européenne
Depuis l’établissement d’une République, à la suite de la Révolution française de 1789, les Français se seraient profondément identifiés aux idéaux des valeurs républicaines que sont la justice, la liberté et la fraternité. Mais voilà qu’aujourd’hui, cet idéal d’égalité et de justice semble susceptible de se transformer en barrière d’incompréhension devant le problème majeur des disparités sociales liées aux origines des citoyens du même pays.

Paradoxalement, les Français se montrent aujourd’hui plus inquiets et réticents que leurs pairs européens face à l’immigration venant de l’extérieur de l’Union européenne (UE), comme le démontre l’opinion publique française sur des enjeux comme l’ouverture de la Turquie dans l’UE.

Désormais, la question de l’immigration et du contrôle des flux migratoires au sein de l’UE ne peut se penser que de manière commune pour les États membres, à cause de la libre circulation des citoyens au sein de l’Union. Pour bon nombre d’observateurs, ce sera sans doute le moment parfait pour la France de repenser sa politique d’immigration et peut-être même les fondements de ce concept.
 

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