Une démocratie vulnérable

Après la violence et les contestations entraînées au pays depuis le 22 novembre, le président égyptien Mohamed Morsi a finalement annulé le décret par lequel il s’était octroyé des pouvoirs supérieurs à tout recours de justice.

Pascale-Sophie Lacombe

Bien que le dirigeant cède à cette demande du Front du salut national, la principale coalition d’opposition, il en ignore toutefois le désir de re­porter son projet de référendum constitutionnel qui est confirmé pour le 15 décembre prochain. Ce référendum permettrait la ratification de la constitution et ferait de l’Égypte une nation islamique. Insatisfait de cette victoire partielle, le FSN appelle à poursuivre les protestations.

Rappelant amèrement la ré­volte populaire de 2011 contre l’ancien président Hosni Mou­barak, les affrontements vio­lents entre pro et anti-Morsi survenus la semaine dernière ont porté le bilan de la présente crise à 7 morts et des centaines de blessés. Durant ces batailles menées avec des bâtons, des cocktails Molotov, des jets de pierres et quelques coups de feu, « Ni décret, ni constitution, tout le régime doit dégager ! » criaient certains manifestants ulcérés par ce qu’ils qualifient de dérive autoritaire. Pour sa part, l’armée était omnipré­sente dimanche autour du palais présidentiel, principal théâtre de la crise. Elle se disait prête à intervenir en cas d’enve­nimement du conflit.

Le 6 décembre, la Haute Com­missaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Nava­nethem Pillay, s’est prononcée sur le contenu de ladite consti­tution. Selon elle, la restriction à deux mandats présidentiels de quatre ans et l’ouverture qu’elle apporte aux organisa­tions et aux associations civiles sont positives. Cependant, elle se voit inquiétée par la place inexistante accordée aux traités protégeant les droits civils et politiques, ainsi qu’à ceux in­terdisant la torture et la discri­mination de race ou de sexe. De plus, la constitution donnerait un pouvoir tel au président que l’indépendance judiciaire du pays en serait affectée.

L’appui aux politiques de Morsi se fait donc de plus en plus rare. Trois membres de son équipe ont, en effet, remis leur démission pour cause de désac­cord depuis le 22 novembre.

Mohamed ElBaradei, leader du FSN et récipiendaire d’un prix Nobel de la paix, place l’en­tière responsabilité de la crise sur les épaules du chef d’État et exprime que « le régime perd de sa légitimité jour après jour ». 

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