Une lente mutation

«Pour connaître la logique interne du droit chinois, on doit en connaître les sources», affirme Loïc Tassé, auteur et politologue qui a présenté, le 4 février dernier, la conférence «Le droit chinois, portrait d’un autre monde» dans le cadre de la Semaine du développement international. Le Parti communiste chinois (PCC), qui est au centre de tout le pouvoir en Chine, accorde à ses membres des privilèges que les autres citoyens n’ont pas. Le parti est encore tributaire de la tradition à l’origine du droit chinois, le guanxi, soit l’échange de services entre individus reposant sur une relation de confiance. De plus, les tribunaux sont contrôlés par le PCC. Selon M. Tassé, «on ne pourra pas parler de système de droit tant qu’il n’y aura pas d’indépendance juridique».

Peine de mort
Les lois pour terroriser la population se sont affaiblies avec le temps, mais il n’en reste pas moins que les sanctions prévues par le code pénal sont encore très sévères et parfois très brutales contre ceux qui commettent une infraction. Jennifer Soucy, présidente d’Avocats sans frontières, qui a organisé la conférence, a donné l’exemple du scandale du lait contaminé survenu en septembre 2008: «Les dirigeants de ces entreprises ont été soumis à la peine de mort.» Elle se questionne à savoir s’il s’agit d’une bonne application du droit. Les membres du PCC, eux, feraient face à un compromis plutôt qu’à un procès devant les tribunaux en cas d’infraction. Cela crée une situation inégalitaire vis-à-vis l’ensemble de la population.

Vers plus de droits
Le droit chinois est aussi influencé par le droit occidental. À la fin du règne de Mao en 1976 et au début de l’entrée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978, on a assisté à une réforme de la société chinoise. Le droit s’est davantage soumis aux exigences économiques en raison de l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce ainsi que de l’affaiblissement des dirigeants politiques. Selon le conférencier, la montée du droit et l’influence occidentale pourraient aussi faire perdre de l’importance aux guanxi.

Selon M. Tassé, il y aurait une évolution du droit en Chine depuis 1950. Félix Brassard Gélinas, coordonnateur de la section lavalloise d’Amnistie internationale, partage cette opinion, car maintenant les lois régulent la société chinoise», plutôt que les guanxi.

Un peu plus de liberté de presse, quoique celle-ci est toujours fortement contrôlée par le PCC, et de nouvelles lois sont apparues depuis 1978. Elles sont passées de 7 à 229. La population fait de plus en plus de revendications. En décembre 2008, plusieurs ont réclamé une abolition des privilèges, une liberté d’association, un meilleur système de sécurité sociale et une libération des prisonniers politiques.

Étant donné que l’évolution positive du droit est récente, il est difficile de prévoir la réponse de cette société à tous ces changements. M. Gélinas atteste que «le gouvernement chinois devrait abolir la peine de mort et appliquer plus rigoureusement la Charte des droits de l’homme».

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