Je le jure

J’ai la chance de n’avoir jamais été convoqué au tribunal, mais je suis certain qu’il ne s’agit pas là d’une expérience gratifiante. Certes, si l’affaire est juteuse, on a peut-être droit à un portrait de soi au crayon de couleurs, mais je n’ai pas l’impression qu’on en ressort grandi.

En plus, on nous y demande de jurer sur une Bible, ce qui est un choix assez facile lorsqu’on considère que sur les 3961 toponymes utilisés par la Ville de Québec, on y trouve 178 saints, 17 monseigneurs, 9 curés, 6 cardinaux, 5 chanoines,
4 abbés, mais une seule rue des Sciences-Sociales. Si on me demandait de jurer sur ce livre, je dirais : «Non, je ne jurerai sur rien d’autre que sur Wikipédia».

Sérieusement, quand on y pense, Wikipédia est beaucoup mieux que la Bible : ses collaborateurs sont identifiables et identifiés, on y trouve un historique clair des modifications (ultra-rapides) qui y sont apportées à tout moment du jour et de la nuit, et elle est déjà disponible dans plusieurs idiomes. Les gens qui y contribuent s’efforcent de garder un point de vue neutre (un constant leitmotiv pour ceux-ci, ils peuvent se disputer pendant des pages et des pages pour être bien sûr que les virgules sont claires), et d’aucuns ne la considèrent comme meilleure que Britannica!

La Bible, cependant, aurait été «dictée» par une seule personne, sous le pseudonyme cryptique de «Dieu». Les modifications sont au mieux des erreurs, au pire des détournements. Les nouvelles éditions sont faites à une fréquence «tortuesque» et, après des milliers d’années, nous ne savons même pas si «Elohim» doit être traduit au masculin ou au pluriel! N’est-ce pas là un détail plutôt crucial entre le monothéisme et le polythéisme?

Tenons-nous en plutôt au «technologisme». Pas en basant notre vie de façon aveugle sur les gadgets, mais plutôt en nous tournant vers nos immenses ressources intellectuelles lorsque nous sommes confrontés à des questions sur le monde qui nous entoure. Certes, certains vous déconseilleront de citer Wikipédia. Des professeurs, par exemple. Mais soyons clairs : personne, en bonne santé mentale, ne citerait sérieusement un ramassis de prêches approximatifs lorsqu’il a à sa disposition un ramassis de demi-vérités modifiables par le monde entier! Et mieux vaut un gigantesque réseau où tout le monde peut écrire et lier ses pages, qu’un ouvrage poussiéreux qui ne fait pas de liens hypertextes vers d’autres sites de référence.

Si Dieu existe, je veux plus qu’un vieux livre. Pour prouver Son existence, je veux qu’Il modifie la page à Son sujet sur Wikipédia, qu’Il y ajoute un lien vers Son profil Facebook, et qu’Il m’envoie un message texte pour m’en avertir. En attendant, je me contenterai avec bonheur de communiquer de plus en plus facilement avec mes colocataires terriens.

Consulter le magazine