L’ère de la condescendance

La suffisance politique prend de nombreux visages. Barack Obama, par exemple, s’en est fait l’ambassadeur lors d’un town-hall meeting où les internautes choisissaient les questions posées au Président. Même si la question la plus en demande était fort bien formulée et faisait un plaidoyer raisonné pour la légalisation du cannabis (une politique tellement évidente que ses opposants devraient rougir de honte), la réaction du leader du monde libre a été de rire de la question en disant «je ne sais pas ce que ça dit à propos des spectateurs sur Internet». D’ailleurs, pendant que tout le monde se lamentait que les méchants républicains reprenaient des forces mardi dernier aux élections législatives, on oubliait à quel point le message anti-marijuana avait réussi: même si les preuves tendent à dire que la prohibition est inefficace, coûteuse, dangereuse et incohérente.

Plus proche de nous, force est de constater que les Québécois n’ont pas toujours un argumentaire développé pour expliquer le fait que Jean Charest jouit présentement d’une cote de popularité anémique. Il est devenu aussi facile de déclarer que Jean Charest est corrompu (ce qui n’est pas prouvé mais qui ne surprendrait pas grand monde) que de dire que Stephen Harper est un cowboy (ce qui est probablement faux, sachant qu’il s’agit en fait d’un intellectuel relativement froid) ou que George W. Bush était un criminel de guerre texan (sachant qu’il venait en fait du Connecticut et que le label «criminel de guerre» est un tantinet fort pour le décrire).

Cependant, un simple regard à la période de questions de l’Assemblée nationale le rend coupable du même péché de suffisance. Ne pas répondre à la question posée est une tactique tellement utilisée qu’elle enrage les citoyens. Après ça, c’est bien difficile de prendre au sérieux les politiciens, n’est-ce pas?

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Permettons-nous une petite digression culturelle. Pensez-vous que la culture québécoise a besoin d’un tuteur permanent? J’entendais cette semaine MC Gilles raconter les démêlées avec l’Union des Artistes (UDA) qu’il a subies lorsqu’il a voulu faire paraître sa récente compilation de «musique du terroir» : l’organisme tentait d’imposer les conditions de travail des musiciens (très amateurs) de l’album pour que la distribution de celui-ci aille bon train. Après ça, on s’étonne que le gala de l’ADISQ soit un exercice de futilité et que même les artistes récompensés ne veulent plus s’en tenir qu’à un «merci» aseptisé. Est-ce que les bonzes de l’industrie musicale (l’ADISQ, le volet radio du CRTC et l’UDA) agissent de façon condescendante? C’est vous qui le dites.

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Revenons à nos moutons: sans grande surprise, les frais de scolarité universitaires sont appelés à augmenter cette année (voir notre section Actualités, d’ailleurs). Comment le gouvernement idéal l’annoncerait-il? Y a-t-il moyen de mettre en place des politiques impopulaires sans passer par une consultation dont les conclusions paraissent écrites d’avance? C’est un gros contrat et le dossier des gaz de schiste montrent que les citoyens sont très suspicieux des consultations publiques, surtout après Bouchard-Taylor.

N’est-ce pas le monde à l’envers? Un monde où l’alcool est permis mais pas la marijuana, un monde où le Président des États-Unis rit des électeurs, un monde où un syndicat d’artistes s’oppose à la mise en vente d’une compilation visant la découverte, un monde où les citoyens associent consultations publiques et déficit démocratique.

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