Des compagnies et des universités canadiennes et américaines travaillent, depuis plusieurs années, avec des animaux génétiquement modifiés, dans le but d’améliorer des produits de consommation qu’ils espèrent pouvoir mettre un jour sur le marché étatsunien. L’Europe avait déjà franchi la porte en permettant la production d’un médicament par un animal transgénique. Ici, à l’Université Laval, on effectue des recherches dans ce domaine, supervisées par un comité de professeurs de tous les départements, qui assure la protection des animaux. Pourtant, jusqu’à ce jour, personne n’avait encore réglementé l’utilisation des animaux transgéniques. Le gouvernement américain propose donc un guide attendu par plusieurs.

Cela ne compliquera pas pour autant le travail des biologistes, car ce guide constitue un «outil qui va permettre d’analyser et de déterminer si oui, ce peut être commercialisé, explique François Pothier, professeur en agronomie au Département des sciences animales de l’Université Laval. On va analyser, par exemple, si le jambon transgénique a la même composition que le jambon naturel. On va s’informer de la composition du poisson par analyses biochimiques ainsi que du muscle de la viande qui va être mangé. C’est un pas dans la bonne direction. On va avoir un guide qui va évaluer correctement les impacts sur les animaux eux-mêmes et qui va assurer leur bien-être. Il exigera également la démonstration que le produit ne compromet pas la santé de l’être humain.» M. Pothier spécifie que ce sera «du cas par cas» pour chaque étude.

Être enthousiaste, mais prudent
Bien que l’Agence canadienne de l’inspection des aliments soit encore loin de régir sur les animaux transgéniques, elle se basera peut-être sur le guide d’analyse de la FDA. En attendant, certains centres de recherche améliorent leur produit. «L’université de Guelph en Ontario produit des porcs transgéniques, appelés enviropig, qui ne rejettent pas de phosphore dans l’environnement», poursuit M. Pothier. De plus, la compagnie Aqua Bounty produit des saumons à croissance accélérée, qui ne contiennent évidemment pas de plomb ou de mercure.

Thomas De Koninck, professeur de philosophie à l’Université Laval, croit pour sa part «qu’il ne faut pas que cet enthousiasme rende imprudent. Il faut être sobre, il ne faut pas que ça devienne une contre-production. Ça peut être quelque chose de très positif ou de très imprudent.» Il soutient que «si les choses sont bien contrôlées, on pourrait venir en aide aux populations pauvres, dans les pays où il y a très peu d’agriculture, en fabriquant, par ce moyen biologique, de la nourriture. Cela donnerait une fin noble à la chose. Par contre, il faut être prudent et s’inquiéter du caractère secret de ce guide d’analyse, en exigeant de la transparence. Tout le monde doit être conscient et avisé. Ce n’est que le gros bon sens».

D’un autre côté, nous pouvons nous demander si le Canada, même s’il est encore loin de se poser une telle question, permettra un jour la vente d’animaux transgéniques dans les supermarchés. François Pothier établit les faits: «Même si cette décision est acceptée aux États-Unis, il va falloir toute une démarche au Canada, ce n’est pas automatique. Si c’est cela qu’on veut pour des raisons culturelles, on le fera, mais on pourrait très bien décider qu’on n’en veut pas ici.»

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