Peu d’impact biologique

L’industrie des sables bitumineux ne produit pas que des barils de bitume (pétrole), mais aussi des millions de litres d’eau usée. L’eau puisée des rivières est réutilisée, mais après avoir servi à extraire le bitume, elle se retrouve gorgée de métaux lourds et de substances toxiques. Pour que ces résidus puissent se décanter, l’industrie achemine les eaux usées vers d’immenses réservoirs artificiels retenus par des digues de sable. «Avec ces réservoirs, il y a toujours des dangers qu’un mur s’affaisse. Aussi, les conditions climatiques sont froides en Alberta et ça prendrait des décennies pour que les résidus pétroliers se dégradent naturellement», confie Marthe Monique Gagnon, spécialiste en écotoxicologie à l’Université de Curtin, en Australie.

Le gouvernement de l’Alberta dit avoir surveillé la qualité de l’eau des rivières, celle de la rivière de l’Athabasca en particulier. Ces eaux auraient toujours contenu du mercure, selon le gouvernement, parce qu’elles auraient érodé des gisements de sables bitumineux. «Les poissons de ces rivières ont été exposés à ce type de mercure au cours de leur évolution. C’est pourquoi le mercure ne leur fait pas de mal», ajoute Mme Gagnon.

Par ailleurs, une étude d’Environnement Canada a confirmé que le foie d’un poisson pêché en l’an 2000 produisait cinq fois plus d’enzymes que la normale. L’industrie des sables bitumineux était à ce moment en pleine croissance. Pourtant, cela n’inquiète pas Marthe Monique Gagnon. «Un foie de poisson plus actif que la normale à cause du mercure est comme un pouls plus rapide que la normale. Ça ne veut pas dire que la personne est malade», explique-t-elle.

Peu de dangers pour la forêt boréale
Greenpeace a déclaré que si tous les gisements devaient être exploités, c’est 43 millions d’hectares de forêt boréale qui seraient rasés, soit une superficie comparable à la Suisse. Jusqu’à maintenant, 388 km2 de forêt boréale ont été coupés. «S’il n’y avait que des dommages mécaniques à la forêt, je suis sûr qu’elle se régénérerait facilement. C’est la contamination chimique à long terme qui est dangereuse», croit Fritz Neuweiler, professeur au Département de géologie de l’Université Laval et spécialiste de la géologie du pétrole. Le gouvernement de l’Alberta oblige pour l’instant les entreprises pétrolières à restaurer les terres endommagées une fois les gisements à sec.

D’ici 2017, la production des sables bitumineux pourrait atteindre 2,4 millions de barils par jour. Le gouvernement a d’ailleurs déjà pris la moitié de la superficie des sables en bail, ce qui inclut tous les gisements exploitables par mine à ciel ouvert. Cela veut dire qu’un jour, une superficie équivalente à la distance séparant Sept-Îles de Montréal ne sera que cratères et tas de sable. «Tout ce qu’on peut faire en tant que citoyen est de rester à l’écoute des journalistes. Eux seuls pourront nous assurer que l’industrie pétrolière n’est pas en train de défigurer notre planète», conclut Fritz Neuweiler.
 

Comment extrait-on le pétrole?

Les nappes de sable bitumineux de la région de l’Athabasca gisent à des profondeurs variées, ce qui oblige les entreprises pétrolières à employer une des deux techniques d’extraction
disponibles.

Les gisements en surface sont extraits par carrières à ciel ouvert. De gigantesques camions de mine acheminent des chargements de gisement au centre de raffinage. Le sable bitumineux est pulvérisé par de l’eau bouillante pour enlever les résidus organiques (feuilles, humus, brindilles) et, par la même occasion, pour séparer le précieux bitume des grains de sable. Il faut déplacer quatre tonnes de tourbe et de sable
pour trouver le sable bitumineux d’un baril de bitume. Il faut aussi de deux à cinq barils d’eau bouillante chauffés
par 7 080 litres de gaz naturel.

Pour extraire le bitume à plus de 100 mètres de profondeur, les compagnies pétrolières emploient la technique de Séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur (SGSIV). De la vapeur injectée dans le gisement liquéfie le bitume que l’on pompe à la surface. Selon National Geographic, 80% des réserves des sables bitumineux ne sont exploitables que par la SGSIV. Cette méthode émet 6,5% plus d’émission de CO2 que la technique de carrière à ciel ouvert.

Alors que produire un baril de bitume de source conventionnelle émet 58 kg de CO2, un baril des sables bitumineux émet 165 kg de CO2, 176 kg pour la SGSIV.

Consulter le magazine