Photo : Elsa Iskander À droite, c'est Michèle Rousseau (vp-communications du bureau d'entraide en nutrition et etudiante en 2e annee du bac en nutrition). À gauche (en bleu), c'est Catherine Boudreau, etudiante en 1e annee au bac en nutrition

Aliments enrichis : S’informer pour mieux consommer

Œufs oméga-3, yogourt aux probiotiques, jus d’orange riche en calcium…difficile de faire un tour à l’épicerie sans constater les nombreux « aliments enrichis » garnissant les tablettes. Il s’agit d’aliments auxquels ont été ajoutés des vitamines et des minéraux. Ces produits sont-ils vraiment bons pour la santé ou bien s’agit-il davantage d’une opération de marketing ?

Dans le cadre de la Semaine de l’agriculture, de l’alimentation et de la consommation, un salon sur le domaine de l’agroalimentaire était organisé au Centre de foires de Québec du 15 au 17 janvier. Le thème était « l’agroalimentaire à la rencontre de l’innovation ». Des étudiants de l’Université Laval y tenaient un kiosque sur les aliments enrichis afin de démystifier la question.

L’ajout d’éléments nutritifs aux aliments n’est pas nouveau : on peut penser au sel iodé ou au lait enrichi de vitamine D. S’il existe des bienfaits à la consommation d’aliments enrichis pour certaines personnes, un effet de mode semble également exister, selon Michèle Rousseau, vice-présidente aux communications du Bureau d’entraide en nutrition (BEN) et étudiante en 2e année au baccalauréat en nutrition à l’Université Laval.

« Il faut bien lire les étiquettes ». Par exemple, un produit très riche en protéines ou sans gluten n’est pas nécessairement un produit santé, illustre-t-elle. Et aussi, se demander s’il est vraiment nécessaire d’acheter un élément enrichi si on a une bonne alimentation et qu’on n’a pas de déficiences alimentaires. Pour bien s’informer, elle suggère de consulter des sources d’information fiables comme Santé Canada ou Passeport Santé. Les étudiants lavallois peuvent aussi se tourner vers le BEN.

Au Canada, le Règlement sur les aliments et drogues « contrôle l’ajout de vitamines et minéraux en spécifiant quels aliments peuvent contenir des éléments nutritifs ajoutés ainsi que les éléments nutritifs et les concentrations autorisées », peut-on lire sur le site Internet de Santé Canada.

Faire les bons choix

Les aliments enrichis coûtent parfois un peu plus cher que les produits – réguliers –. Est-ce que cela vaut la peine de dépenser plus? « Ça dépend des produits », indique Michèle.

Par exemple, « si on sait qu’on consomme déjà assez d’oméga-3 dans sa journée, ce n’est pas nécessaire de payer plus pour des œufs oméga-3, mais si on n’en consomme pas, ça peut être une bonne option ». Pour avoir un apport suffisant en oméga-3, il est possible de consommer certains types de poissons, comme le saumon, ou des graines de lin ou de chia. Cela dit, pour les personnes qui ne s’alimentent pas avec de tels produits, « ils peuvent se tourner vers un produit vraiment simple d’accès comme les œufs pour avoir un apport quotidien », ajoute Michèle.

« Il faut juste faire attention à la publicité qu’il y a autour de ça », dit-elle au sujet des produits enrichis. À titre d’exemple, elle mentionne « le pain Smart ». En ce qui concerne le pain blanc, « les grains sont tellement raffinés que finalement toutes les bonnes propriétés des fibres vont se trouver être un peu diluées ». Il vaut mieux opter pour « la version en grains entiers » si l’on souhaite avoir un meilleur apport nutritif. Lire les étiquettes sur les produits permet de mieux identifier ce qu’ils contiennent.

Question populaire…

Rencontrée au kiosque sur les aliments enrichis qui était tenu par le BEN, la vice-présidente aux communications de l’association a fait savoir que les visiteurs du Salon lui ont notamment posé beaucoup de questions au sujet du gluten. La réponse offerte? « Le gluten, c’est néfaste pour les personnes qui ont une intolérance au gluten, pas pour les autres. »

Une tendance qui risque de se poursuivre

L’offre et la consommation d’aliments enrichis sont des tendances qui seraient là pour rester, d’après Gale Ellen West. La professeure en sciences de la consommation à l’Université Laval ne croit pas que « ça va s’estomper dans un proche avenir ou même un avenir plus loin ». Et « heureusement », ajoute-t-elle parce que la recherche et le développement entourant les produits alimentaires peuvent avoir des répercussions bénéfiques sur la santé. Les chercheurs pourraient trouver « des molécules vraiment intéressantes, qui peuvent avoir une répercussion intéressante sur la population en générale ou sur certaines populations ».

Cela dit, la popularité de ces produits relève aussi du marketing, note la professeure. Les compagnies peuvent offrir davantage de produits et proposer des « promotions distinctes pour des sous-groupes, des segments cibles distincts ». Si madame West est en faveur d’une offre variée, elle déplore qu’il n’y ait pas toujours un « marketing sain en arrière de cette offre ». Comme le souligne la professeure, « les gens qui font le marketing de ces aliments visent [à] vendre le plus possible ». Et donc, certains aliments enrichis ou fonctionnels seront publicisés à l’ensemble de la population, incluant ceux pour qui leur consommation n’est pas nécessaire. D’ailleurs, ces types de produits peuvent être plus dispendieux, observe Mme West.

Pour les personnes ayant une « alimentation variée » et provenant de tous les groupes alimentaires, la consommation d’aliments enrichis n’est pas une nécessité, explique la professeure. Par exemple, un individu ayant une alimentation déjà riche en calcium n’a pas vraiment besoin de boire du jus enrichi en calcium. Pour ceux qui seraient incertains, les conseils d’un nutritionniste peuvent s’avérer utiles.

En outre, les aliments enrichis ou fonctionnels peuvent être intéressants chez certains segments de la population. Par exemple, pour les personnes âgées, les aliments riches en protéines sont intéressants, car ils permettent de remédier à des carences possibles. Ces aliments sont aussi d’intérêt pour les sportifs, mais ces derniers doivent rester vigilants, car « la consommation de trop de protéines perturbe le système cardio-vasculaire ». Les personnes ayant des restrictions alimentaires peuvent aussi se tourner vers les aliments enrichis. Par exemple, une personne qui ne consomme pas de produits laitiers peut opter pour des produits auxquels on a ajouté du calcium et de la vitamine D.

Une confusion qui perdure

Par ailleurs, malgré la multiplication des produits enrichis ou fonctionnels, les différentes étiquettes associées aux produits restent parfois mystérieuses aux yeux de la population. En effet, si l’impact bénéfique pour le système cardiovasculaire des oméga-3 semble être mieux compris, ce n’est pas le cas pour les antioxydants, par exemple. « Quand on parle d’un antioxydant, on parle d’une longue famille de différents types de molécules », explique Mme West. Les termes affichés sur les produits ne sont pas toujours « connus par les consommateurs » et « il y a beaucoup de confusion qui reste ».

Il convient de distinguer les aliments enrichis des aliments fonctionnels. L’aliment fonctionnel n’est pas nécessairement enrichi de vitamines et minéraux, comme le sont les aliments enrichis. « L’aliment fonctionnel va au-delà de ses attributs nutritifs » et il est utilisé « dans une optique de prévention de la maladie ou même, d’une certaine façon, de traitement de la maladie ». À titre d’exemple, un aliment auquel on a ajouté du calcium est dit enrichi alors qu’un aliment bonifié par les oméga-3 est dit fonctionnel.

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