Thèse en bref: Avoir le verbe facile

Lorsqu’on entend accident vasculaire cérébral (AVC), on pense d’emblée aux troubles moteurs ; pourtant, beaucoup de personnes qui subissent un AVC sont aussi souvent atteintes d’aphasie, trouble acquis du langage. Et s’il était possible d’améliorer le langage de ces personnes ? C’est ce que Sonia Routhier, étudiante au doctorat en Médecine expérimentale à l’Université Laval, tente de faire.

Anne Lafay

Sonia Routhier, Orthophonie M.Sc., est étudiante au doctorat en Médecine expérimentale à l’Université Laval et travaille au sein du Laboratoire « Langage, Parole, Cognition » du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ). Elle est dirigée par Joël Macoir, Ph.D., et codirigée par Nathalie Bier, Ph.D., et s’intéresse à la rééducation du langage dans le cas de l’aphasie suite à un AVC.

L’aphasie est un trouble acquis du langage qui survient à la suite d’une lésion cérébrale, alors que les personnes possédaient des compétences langagières tout à fait normales avant l’AVC. Ces personnes aphasiques éprouvent désormais des difficultés pour parler aisément, pour trouver les mots justes, pour effectuer des phrases correctes, etc. Tout particulièrement, les personnes aphasiques présentent souvent une anomie, symptôme très caractéristique de l’aphasie consistant en la perte de la capacité de dire des mots.

Alors que plusieurs études ont déjà montré l’efficacité de traitement dans le cas de l’anomie des noms, très peu d’études se sont intéressées à l’anomie des verbes. Pourtant, comment faire des phrases sans verbe et se faire comprendre ? Dans son doctorat, Mme Routhier s’intéresse ainsi à la rééducation de l’anomie des verbes dans le cas de l’aphasie post-AVC.

Un premier projet consistait à offrir à trois patients aphasiques une rééducation de trois à quatre semaines avec un orthophoniste. Pendant le traitement, les personnes s’entraînaient à trouver des noms de verbes (ex. « manger ») en observant des vidéo de verbes d’action, à l’aide de plusieurs indices pour retrouver les mots (des indices sémantiques tels que « c’est une action qu’on fait lorsque les plantes manquent d’eau » et des indices sur les sons tels que « ce mots a trois syllabes, il commande par le son /a/ » ; je vous laisse deviner le mot… !).

Les résultats de cette étude ont alors montré que, grâce à l’ensemble de ces indices, deux des trois patients amélioraient nettement leurs capacités à retrouver les verbes sur lesquels ils ont travaillé. Ces résultats confirment l’efficacité d’un traitement multi-indices sur la production de verbes chez des patients aphasiques. La première étude de Mme Routhier permet ainsi de confirmer l’efficacité des rééducations du langage actuellement effectuées par les orthophonistes cliniciens.

Le deuxième projet, qui porte également sur la rééducation de l’anomie des verbes chez des patients aphasiques, est tout à fait novateur et dans la mouvance technologique actuelle. Trois patients se sont vus proposer une rééducation par auto-administration via tablette numérique. Pendant le traitement, les personnes s’entraînaient, seules et à domicile, à trouver des noms de verbes à l’aide des mêmes indices (sémantiques, sonores, moteurs) sur une tablette numérique. Sonia réalise actuellement les analyses des résultats, mais les résultats paraissent a fortiori très encourageants puisque la première patiente s’améliore nettement.

Le doctorat de Sonia Routhier ouvre la porte aux nouvelles thérapies orthophoniques chez des patients adultes présentant des troubles du langage à la suite d’un AVC. Il offre aussi la possibilité de rééducation à domicile pour des patients qui ne bénéficient pas de services de soins orthophoniques, étant trop éloignés géographiquement par exemple… Agir pour retrouver les mots !

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