Données en otage

Ça s'est passé le 8 avril. Les routeurs de China Telecom ont indiqué qu'ils étaient les plus rapides disponibles (une pratique courante dans la gestion du trafic Internet), ce qui a attiré une grande partie du trafic mondial sur les réseaux.

La suite est plus nébuleuse. La quantité massive de données détournées auraient été absorbées, puis restituées. Selon l'expert de McAfee Dimitri Alperovitch interrogé par Reuters, des phénomènes du genre se produisent parfois accidentellement. Selon lui, ce ne serait toutefois pas le cas cette fois-ci.

Deux questions se posent: les données ont-elles été copiées ou manipulées, et pourquoi la Chine a-t-elle effectué une telle manœuvre? Espionnage? Ce serait surprenant. Comment tirer quelque chose de précis d'une quantité aussi massive d'information? La grande majorité de ces données devaient être sans intérêt: pornographie, musique téléchargée, photos Facebook, courriels d'affaires… Alors pourquoi les copier?

Si le geste de la Chine est inexplicable, il est stupéfiant de voir comment ce pays a su rapatrier 15% du trafic américain sur ses propres serveurs sans perdre son souffle. La prouesse technique est incroyable. Qui sait ce qu'elle pourrait faire la prochaine fois? Il faut préciser que c'est la Chine qui possède l'ordinateur le plus puissant du monde : Tianhe-1.

La bonne volonté

Indépendamment du cas chinois, les routes principales de trafic de données à travers le monde reposent sur des principes de bonne entente entre les serveurs appartenant aux différents États du globe. Cette anecdote (rien de moins que le piratage informatique le plus volumineux de l'histoire) remet en question le bien-fondé du système basé sur la bonne volonté. Va-t-on voir poindre à l'horizon une «guerre froide» des réseaux, où les données ne traverseront l'océan que lorsque c'est vraiment nécessaire?

Après tout, savons-nous vraiment par où passent nos données? Lorsque vous envoyez les photos de votre fin de semaine sur Facebook ou votre mot de passe Accès D, il est difficile de savoir par où ces photos sont passées avant… et qui aurait pu y avoir accès.

Que se passerait-il si la Chine recommençait cet exercice, mais sans restituer les données? À un moment crucial, par exemple lors d’un moment chaud sur les marchés boursiers? Ce pays a littéralement le pouvoir de paralyser une grosse partie du réseau pendant un bref moment, un outil qui peut être mis à profit de multiples façons.

Les armes ont beaucoup changé avec le temps.

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