Entrevue avec Hami Fares, médecin chirurgien humanitaire

Impact Campus : En mission avec Médecins Sans Frontières, quels sont les moyens techniques dont vous disposez sur le terrain?

Hani Fares : On opère avec les outils de base, on fait de la chirurgie « life saving ». On soigne avec une liste de médicaments dits essentiels, qui ne comprend pas de médicaments pour des maladies rares, orphelines ou compliquées.

IC : Quelles sont alors les conditions sanitaires de pratique ? 

HF : Le suivi des procédures et des règles d'hygiène est un principe de base pour MSF. Nous utilisons toujours des gants ainsi que des instruments stériles. Les conditions aseptiques sont respectées dans la mesure du possible, mais il se peut que les locaux et salles d'opération ne le soient pas toujours. Il arrive même parfois d’opérer dans un milieu non aseptisé,  comme un centre de santé ou un coin de rue. Ces situations restent exceptionnelles, c'est généralement pour sauver le patient qui n’aurait pas tenu le temps d'un transfert à l'hôpital.

IC : Vous avez sûrement vécu des situations d’opérations avec « les moyens du bord ». Un souvenir en particulier ?

HF : Il y a cinq ans lors d’une mission au Tchad, j’ai été appelé pour une césarienne à cinq heures de l’après-midi par un centre de santé pour camp de réfugiés soudanais à la frontière. Arrivé, je trouve une rupture utérine avec une mort fœtale et une femme avec une hémorragie interne. Conscient qu’elle n’aurait pas tenu jusqu'au lendemain, nous avons décidé d’opérer durant  la nuit. Toute l’équipe aidait à éclairer avec des lampes frontales. L’opération a été très difficile et malgré les conditions septiques précaires, elle s’en est bien remise, sans une seule infection post-opératoire. Même Macgyver n’aurait pas mieux réussi ! 

IC : Vous étiez en Haïti lors du tremblement de terre de janvier 2010. Psychologiquement, comment gère-t-on une telle situation ?

HF : C’est une question sensible. Haïti a été un moment spécial parce que j'ai vécu la catastrophe comme les Haïtiens. Mais dans le feu de l'action, le côté professionnel a pris le dessus.  Il fallait être réactif, faire le maximum sans avoir le temps de réfléchir.

Le plus dur a été le retour de mission. J’ai alors dû gérer des réminiscences,  des images et des remises en question sur des décisions qui avaient été difficiles à prendre.

Crédit photo : Courtoisie

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