L’astropâtisserie

À l’extérieur de notre galaxie, la Voie lactée, des milliards d’autres galaxies scintillent moins qu’une chandelle placée à des millions de kilomètres. Pourtant, ces étincelles cosmiques sont suffisantes pour reconstruire la composition chimique, l’histoire et les mouvements des galaxies. Comment est-ce possible?

Imaginez un instant que vous désirez apprendre à cuisiner les pâtisseries. Vous ne disposez ni de livres de recettes, ni de chef pouvant vous apprendre cet art. De plus, vous ne pouvez qu’étudier les pâtisseries à travers la vitrine d’une boulangerie. Heureusement, vous disposez d’un garde-manger complet contenant les ingrédients pour réaliser ces pâtisseries.

En séparant les pâtisseries selon leur forme, vous fabriquez un schéma pour classer les informations futures et vous découvrez qu’il existe plus d’une recette. Ensuite, il vous faudra identifier les ingrédients. À partir de la couleur et des garnitures, vous retrouvez des ingrédients présents dans votre garde-manger, par exemple les carrés noirs des brisures de chocolat.

Vous êtes encore loin des recettes, mais vous savez maintenant que certaines pâtisseries nécessitent des ingrédients différents et vous en avez identifié quelques-uns. Cet exercice mental représente le travail nécessaire pour comprendre les autres galaxies de l’univers.

En effet, les astrophysiciens observent l’univers sans jamais vraiment pouvoir interagir avec lui. Malgré cette limite, l’observation des galaxies permet d’extraire beaucoup d’informations sur leur nature. De plus, la Voie lactée tient le rôle de «garde-manger» galactique. En fait, les astrophysiciens peuvent déduire des recettes de galaxies plus complètes que celles obtenues pour les pâtisseries de l’exemple.

L’information additionnelle se retrouve dans une différence fondamentale entre l’exemple et l’astrophysique: les pâtisseries reflètent la lumière, alors que les galaxies en émettent. Une mince distinction, mais la lumière contient une quantité impressionnante d’informations sur sa source.

Premièrement, tous les atomes produisent un ensemble de signatures lumineuses qui leur sont uniques. Vous pouvez observer ce phénomène en comparant la couleur des lumières au sodium qui éclairent les rues (jaunâtres) avec les lumières au mercure qui éclairent les gymnases (très blanches). L’intensité des signatures dépend de la quantité et de la température des atomes qui les produisent. L’addition de toute la lumière produite par les atomes de la galaxie est appelée «spectre», et les signatures individuelles sont appelées «raies spectrales».

Les raies spectrales montrent les mouvements de la galaxie par rapport à la Terre. En premier lieu, la galaxie suit l’expansion de l’univers et, en deuxième lieu, les régions individuelles dans la galaxie tournent autour de son centre. Ces deux mouvements déplacent les signatures de la même manière que l’effet Doppler change le son. Comme le son d’un objet qui s’approche devient plus aigu, les raies spectrales des régions qui s’approchent sont déplacées vers le côté bleu du spectre et inversement.

La quantité de lumière émise par la galaxie est comparée à celle émise par les étoiles de la Voie lactée pour déduire la masse de matière lumineuse présente. Aussi, grâce aux mouvements des signatures et aux équations de la physique, les astrophysiciens calculent la masse totale présente dans la galaxie. Surprise! La masse trouvée à partir du mouvement est environ dix fois plus grande que la masse lumineuse. C’est cette différence qui révèle la présence de matière invisible appelée «matière sombre».

Pour reconstruire la recette de la galaxie, il faut identifier la forme que prennent les éléments. C’est à ce moment que la Voie lactée nous est le plus utile. On y remarque trois formes de matières lumineuses: les étoiles, le gaz et les grains de poussière. Chacune de ces formes contribue au spectre lumineux de manière différente. La poussière diminue la lumière visible et ultraviolette pour ajouter de la lumière infrarouge. Les jeunes étoiles contribuent à la lumière ultraviolette, alors que les vieilles étoiles produisent de la lumière visible ou infrarouge. Finalement, le gaz émet dans tout le spectre, selon sa température.

Comme ils savent comment chaque forme de matière contribue au spectre électromagnétique, les astrophysiciens simulent différentes combinaisons d’étoiles, de gaz et de poussières pour reproduire le spectre d’une galaxie. Ensuite, ils ajoutent la matière sombre, pour reconstruire les mouvements de la galaxie. Alors, contrairement à l’apprenti pâtissier, l’astrophysicien aura construit la recette d’une galaxie. Tout ça à partir de moins que la lumière d’une chandelle laissée allumée sur la Lune!

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