La canneberge est utilisée depuis des siècles à des fins thérapeutiques. Riche en vitamine C, elle était consommée afin de remédier au scorbut. Récemment, plusieurs équipes ont démontré que certaines composantes de la canneberge pouvaient prévenir la carie ainsi que les gingivites et les maladies parodontales. La prévalence de ces maladies est très élevée: la carie dentaire affecterait 90% de la population et les maladies parodontales toucheraient 75% des individus à différents degrés.
La flore microbienne buccale?: toute une jungle!
La muqueuse buccale contient une flore microbienne normale, dépourvue de bactéries pathogènes. Cependant, des prédispositions génétiques et des problèmes d’hygiène buccale peuvent mener à un débalancement de cette flore et à la prolifération subséquente de bactéries pathogènes responsables des maladies de la gencive, de la carie dentaire et de la mauvaise haleine. Les bactéries responsables de la parodontite sont Porphyromonas gingivalis, Treponema denticola et Aggregatibacter actinomycetemcomitans. La bactérie Streptococcus mutans produit de l’acide lactique qui érode l’émail, ce qui cause la carie dentaire. Les bactéries pathogènes se retrouvent au sein d’une structure organique constituée d’un «ciment» de cellules mortes et de protéines. Ce réseau améliore l’agrégation des bactéries et cause la plaque dentaire. Cette structure porte le nom de «biofilm». De plus, les bactéries arborent des extrapolations filamenteuses protéiques qui leur permettent d’adhérer aux dents et aux gencives. Ces projections sont constituées d’adhésines, des protéines qui permettent cette fixation.
Préventive canneberge
Les composés actifs de la canneberge sont les proanthocyanidines, une classe de polyphénols. Ces molécules ont deux rôles: elles empêcheraient les bactéries d’adhérer aux dents ou aux gencives et auraient un rôle anti-inflammatoire. Cela mène donc à une diminution de la taille des biofilms et à la protection des tissus gingivaux vis-à-vis des médiateurs chimiques de l’inflammation.
Mais suffit-il de boire du jus de canneberge pour être pourvu d’un sourire émail-diamant? Pas particulièrement. D’après Daniel Grenier, professeur à la Faculté de médecine dentaire de l’Université Laval et chercheur au Groupe de recherche en écologie buccale (GREB), «rien ne nous permet de dire que la consommation de jus de canneberge pourrait avoir des effets bénéfiques, car toutes nos études utilisent des modèles in vitro et des fractions hautement enrichies en proanthocyanidines. Nos études ont plutôt pour objectif, à long terme, l’utilisation des substances actives de la canneberge pour des traitements locaux des sites malades».
Effet inversé
Le jus de canneberge vendu en épicerie est en effet additionné de sucre et est plutôt acide, ce qui aurait un effet inverse et pourrait contribuer à la déminéralisation des dents. Mais qu’en est-il des produits dérivés destinés à l’hygiène buccale? «Il existe du fil de soie dentaire et une gomme à mâcher contenant des extraits de canneberges, mais ces produits n’ont jamais fait l’objet d’études, explique le Dr Grenier. On ne connaît pas le contenu de ces extraits, à savoir s’ils contiennent les substances actives, soit les proanthocyanidines.»
S’agirait-il d’une stratégie marketing profitant de la notoriété naissante de la canneberge? Sûrement. Mais la liste des vertus de la petite baie est longue et son composé actif pourrait peut-être remplacer les antibiotiques, puisque les proanthocyanidines ne causent aucune résistance bactérienne, un problème majeur associé aux antibiotiques ces derniers temps.