La communication intemporelle

Une question a fait réfléchir les scientifiques et les linguistes pendant de nombreuses années: comment serait-il possible de communiquer avec les générations futures?

Les fuites nucléaires qu’on craint présentement au Japon rappellent que le combustible des centrales électriques pose un grave problème de gestion et d’entreposage. Aux États-Unis, par exemple, le site désertique de Yucca Mountain a été identifié au début des années 1980 comme entrepôt permanent de déchets radioactifs. Dans cet ordre d’idées, comment pourrait-on procéder si on voulait assurer la compréhension d’un message simple ( par exemple : «ici, des déchets radioactifs dangereux sont entreposés») à des gens qui vivront dix mille ans dans le futur?

Des scientifiques et linguistes ont proposé des réflexions fort étoffées à cette question dans le cadre d’un projet qui a cependant été abandonné depuis. Dans un premier, on reconnaît que pour assurer la conservation du message, il est impossible de garantir la continuité d’une institution politique vouée à cette tâche : les institutions politiques les plus vieilles encore fonctionnelles ne dépassent pas mille ans. D’autant plus qu’il est fort improbable que les langues contemporaines soient encore courantes dans quelques siècles. N’oublions pas aussi qu’il faudrait avant tout communiquer au futurs curieux que le message en est bel et bien un et qu’il revêt une importance particulière.

Dans son ouvrage La Recherche de la langue parfaite, l’écrivain et expert dans l’étude du sens et de ses représentations, Umberto Eco, expliquait le raisonnement du linguiste Thomas Sebeok, pour qui toute solution impliquant des symboles était vouée à l’échec. Au lieu de cela, M. Sebeok proposait plutôt d’intégrer le message à une mythologie en créant une «prêtrise atomique», qui garderait de façon folklorique le message au fil des générations et en assurerait la transmission.

Un professeur de l’Université de Budapest proposait pour sa part d’encercler le site d’enfouissement nucléaire par des affiches expliquant le danger dans les langues les plus communes. Le secret de sa solution consistait à répéter l’exercice régulièrement, au cours des 10 000 ans, en ajoutant des affiches pour refléter l’évolution des langues populaires.

La palme de la solution la plus originale revient toutefois à deux chercheurs respectivement originaires de Paris et Palerme, qui proposent de créer par mutations génétiques une sorte de détecteur de radiations mobile, sympathique et facile d’entretien : un chat dont le pelage changerait de couleur lorsqu’exposé à des radiations atomiques.

En somme, l’Homo Atomicus – une expression qu’utilisent certains anthropologues pour caractériser  celui qui  doit protéger les générations futures contre le danger nucléaire que représentent les sites d’enfouissement – n’est donc pas au bout de ses peines…

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