Débora Santschi signe une thèse de doctorat qui, bien vite, pourrait changer les façons de faire dans les étables du Québec.

Petite révolution dans la production laitière

La doctorante en sciences animales à l’Université Laval a suivi pendant deux ans 13 troupeaux commerciaux de vaches Holstein. Son but était de valider si un arrêt de traite de 35 jours plutôt que de 60 jours, en prévision du vêlage, avait les mêmes effets bénéfiques sur la rentabilité de la production laitière québécoise que ce que semblait indiquer des études américaines.

Débora Santschi s’est basée sur le fait qu’«au cours des dernières années, la sélection génétique et l’amélioration des pratiques d’élevage ont contribué à augmenter les niveaux de production des vaches», ce qui fait en sorte que «de nos jours, plusieurs vaches produisent encore passablement de lait 60 jours avant le vêlage». L’hypothèse principale de sa thèse était que cette nouvelle pratique «amènera des avantages économiques pour le producteur».

Et avec raison: en monnaie sonnante, l’arrêt de traite 35 jours avant la mise bas représente des gains annuels considérables pouvant aller jusqu’à 17 132$, conclut-elle.

La littérature scientifique des 10 dernières années suggère qu’une régie de tarissement de 30 à 35 jours permet «d’obtenir du lait supplémentaire en fin de lactation»  et de faire des économies dans les rations alimentaires puisqu’«une seule ration de transition [est nécessaire], au lieu des deux rations utilisées traditionnellement». Débora Santschi  a également fait le pari que cette pratique «réduira le stress appliqué à la glande mammaire par un tarissement brusque» ; que l’arrêt «facilitera la transition d’une lactation à l’autre»; et qu’il «améliorera les performances reproductives des vaches».

Des bénéfices pour la moyenne

Selon deux scénarios observés par la doctorante, l’application de cette pratique rapporte «des gains annuels moyens entre 41,38$ et 245,18$ par vache». Le premier chiffre suppose que «le quota [de lait] est gardé constant [malgré l’accroissement de la production] et implique donc la vente de 5 vaches pour éviter la surproduction. Néanmoins, dans ce scénario, les profits annuels du producteur sont augmentés de 2677$. Le second chiffre, considérablement plus élevé, suppose que le «nombre de vaches est gardé constant» et que 5,5 kg/jour de quota sont achetés pour vendre tout le lait nouvellement produit. C’est ce scénario qui a le pouvoir de faire augmenter de 17 132$ le profit annuel. La doctorante conclut que des variations «considérables» existent entre les troupeaux», mais suggère que la transition vers un arrêt de traite plus court «bénéficierait aux troupeaux canadiens moyens».

Dans chaque troupeau que la doctorante dit avoir «emprunté» à des producteurs québécois, les vaches  soumises à l’un ou l’autre des périodes d'arrêts de traite donnaient du lait depuis au moins 305 jours et avaient atteint leur 6e ou 7e mois de gestation. 414 d’entre elles terminaient leur première lactation (vaches primipares), et 436 complétaient leur deuxième lactation ou plus (vaches multipares).

Une pratique à adapter

Un arrêt de traite de 35 jours au lieu de 60 jours implique une baisse du rendement de production, conclut cependant la recherche menée par la doctorante Débora Santschi.

À prime abord, l’étude enregistre que les vaches primipares ont produit 543,7 kg de lait (± 13,7 kg) pendant les 25 jours gagnés grâce au régime de tarissement plus court. Comparativement, les vaches multipares ont produit  532,5 kg (± 17,0 kg) de lait pendant la même période. En moyenne, l’arrêt de traite de 35 jours fait donc augmenter la production quotidienne de lait de 21,7 kg de lait  pour les primipares et de 17,8 kg pour les multipares.

Une différence marquée survient cependant pendant la lactation suivante. Comparativement à la pratique traditionnelle du tarissement de 60 jours, les vaches qui se préparaient à leur deuxième vêlage au moment de leur entrée dans l’étude, produisaient 4,4% moins de lait quotidiennement lorsque la traite reprenait. «Le rendement moyen pour la lactation suivante n’était cependant par différent pour les vaches à leur 3e lactation ou plus», nuance l’étude.

Débora Santschi conclut donc qu’un arrêt de traite plus court «diminue la production quotidienne de lait chez les vaches débutant leur deuxième lactation», mais dans une mesure cependant deux fois moindre [soit 3,6 %,] que dans les études précédentes.
En somme, les résultats des différents troupeaux compilés concluent qu’«il semble qu’une régie de tarissement de 35 jours ne représente pas la solution idéale pour toutes les vaches de tous les troupeaux». Il appert cependant que cette stratégie «aura des avantages pour les vaches avec une production de lait élevée 60 jours avant le vêlage».

Le chercheur et professeur au Département des sciences animales de l’Université Laval Doris Pellerin, ainsi que la professeure associée à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Christiane Girard, cosignent les découvertes. Daniel Lefebvre et Roger Cue font également partie de l’équipe. Avant leur entrée au projet, les troupeaux des fermes sélectionnées avaient une production moyenne par lactation de 10 199 kg de lait (± 325 kg) étalée sur 336 jours (± 4 jours). Ces troupeaux correspondaient en somme au profil moyen des troupeaux québécois qui comptent 52 vaches, produisant 8501 kg de lait à chaque lactation, et vêlant en moyenne à tous les 427 jours.
 

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