Rien ne semble arrêter les progrès en neurosciences et les étudiants pour- raient même bientôt en bénéficier! En effet, de récents travaux sur la stimu- lation cérébrale non invasive suggèrent la possibilité d’améliorer les habiletés cognitives du cerveau sain.

Stimuler le cerveau pour mieux performer ? C’est possible !

Rien ne semble arrêter les progrès en neurosciences et les étudiants pourraient même bientôt en bénéficier! En effet, de récents travaux sur la stimulation cérébrale non invasive suggèrent la possibilité d’améliorer les habiletés cognitives du cerveau sain. 

Antoine Hone-Blanchet
Jean Levasseur-Moreau

Neuro---Valérie-Désyroy-1La stimulation magnétique transcrânienne ( TMS pour transcranial magnetic stimulation ) et la stimulation transcrânienne par courant ( tD/ACS pour transcranial direct/ alternating stimulation ) sont deux techniques de stimulation cérébrale non invasive. Ces techniques permettent de stimuler avec précision certaines régions du cerveau en émettant des pulsations électromagnétiques et un courant électrique, respectivement. Notre laboratoire évaluera prochainement l’impact de la TMS sur certaines fonctions cognitives. Il est admis que les réseaux neuronaux communiquent entre eux par potentiels d’action à une certaine fréquence, selon les caractéristiques des neurones impliqués. En stimulant le cerveau avec la TMS ou tDCS, il est possible d’influencer cette fréquence. Cette modulation de l’activité neuronale peut résulter en changements neurophysiologiques à long terme si la stimulation est répétée. C’est le phénomène de plasticité cérébrale. Ces changements par plasticité sont employés avec succès en psychiatrie clinique. Par exemple, la TMS est utilisée pour traiter la dépression majeure

en stimulant des régions dysfonctionnelles liées aux émotions. Mais qu’arrive-t-il lorsque nous utilisons ces techniques sur des cerveaux sans lésions ni dysfonctionnements ? Est-il possible d’augmenter le potentiel cognitif humain ? De maximiser ses capacités d’apprentissage ? Plusieurs scientifiques se sont penchés sur la question et les résultats sont étonnants.

Améliorer la mémoire de travail

Une fonction cognitive fondamentale en neurosciences, mais également pour tout bon étudiant, est la mémoire. On nous propose sans cesse méthodes et exercices afin d’augmenter notre capacité à retenir des informations. La mémoire dépend principalement d’une fréquence d’encodage des neurones hippocampaux. En ciblant ces neurones, il est possible de moduler certains aspects de la mémoire avec la stimulation non invasive. Ainsi, les travaux de Dr Chi (Université de Sidney ) et ses collègues en 2010 ont utilisé la tDCS chez des étudiants qui mémorisaient des informations. Ces derniers ont démontré un meilleur encodage des informations, facili-

tant ainsi le rappel ultérieur. De plus, les travaux de Dr Javadi ( Université de Londre ) et ses collègues, publiés en 2011, ont démontré que la tDCS améliorait la mémoire de travail. Cet espace de mémoire à court terme est sollicité lors de la réalisation d’une tâche académique. Ainsi, la tDCS pourrait améliorer l’efficacité des étudiants.

Une attention soutenue accrue

Une autre fonction cognitive vitale pour l’homme est l’attention. Au lieu d’être soucieux des prédateurs environnants, l’homme d’aujourd’hui se doit plutôt de… réussir ses examens académiques. Pour ce faire, ne serait-il pas formidable de pouvoir activer notre attention en « mode automatique » lors de cours plus ardus ou moins dynamiques ? Différents processus attentionnels ont été améliorés avec la TMS chez le sujet sain. Par exemple, Dr Hilgetag (Université de Boston) et ses collègues en 2001 ont démontré une amélioration de l’attention visuospatiale des sujets grâce à une session de TMS. Similairement, en 2010, Hwang et ses collègues ont rapporté une diminution des erreurs commises à une autre tâche attentionnelle, le Conners’ continuous performance (tâche où l’on doit appuyer sur une touche seulement lorsqu’une lettre précise est présentée à l’ordinateur), après avoir reçu la TMS. Il semble donc également possible d’améliorer le contrôle attentionnel chez des sujets sains. Cette habileté de contrôle attentionnel nous permet de concentrer notre attention sur une information précise tout en faisant abstraction de distracteurs environnants. Dr Vanderhasselt (Université de Ghent) et ses collègues en 2007 ont rapporté que les sujets recevant la TMS performaient mieux, c’est-à-dire qu’ils arrivaient à concentrer leur attention et à inhiber les distracteurs plus rapidement, au Stroop (tâche où l’on doit ignorer le sens des mots présentés et seulement en nommer la couleur), un test classique en neuropsychologie.

Ces résultats suggèrent la possibilité d’améliorer différents aspects mnémoniques et attentionnels chez les sujets sains. Bien qu’il s’agisse d’une technologie prometteuse, le concept d’amélioration des habiletés cognitives est encore jeune et plusieurs études devront être menées pour en approfondir la compréhension. Évidemment, l’amélioration cognitive soulève de nombreux questionnements éthiques. Par exemple, est-ce sécuritaire et éthique de stimuler un cerveau en développement de façon artificielle ? Questionnement qui est du même ordre que l’utilisation de stimulants et autres médicaments pour améliorer l’attention et la mémoire.

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