Une conférence ayant pour thème la justice réparatrice s’est déroulée le mercredi 14 mars, à la salle Le Cercle de l’Université Laval. Avec son titre évocateur, Justice pénale, justice réparatrice : peut-on réparer l’irréparable, l’évènement a attiré une trentaine de personnes. Lors de celui-ci, il a été question de la possibilité d’octroyer une forme de réparation aux victimes et aux infracteurs ayant étés entremêlés à toutes sortes de délits, même les plus graves.
Offerte depuis les années 1970 au Québec, la justice réparatrice semble faire ses preuves ici comme partout ailleurs. Selon Catherine Rossi, une des conférencières de la soirée, il apparait que 80 à 97% des personnes ayant participé à des démarches de justice réparatrice se déclarent satisfaites de celles-ci. La tenue de cet évènement , forte en émotions, confirme donc significativement son importance.
Cette conférence est la troisième d’une tétrade organisée par Alter Justice dans le cadre de ses 40 ans. L’organisme à but non lucratif œuvre à offrir divers programmes d’intervention, d’information et de soutien à l’intention des personnes touchées par la judiciarisation et la détention dans un établissement correctionnel du Québec.
Tout d’abord, la conférencière a expliqué les prémisses de la justice réparatrice. Il s’agit en fait de rencontres entre victime et infracteur, suite à un conflit de nature criminelle, afin de les responsabiliser et de leur offrir une forme de réparation. Ceci permettant ainsi de restaurer une harmonie sociale. Dans la conférence, il était question de deux types de rencontre. Dans les rencontres détenus-victimes, deux membres représentants la communauté, quatre victimes et quatre infracteurs, liés par le même délit, mais non par le même événement, se réunissent à quelques reprises pour dialoguer. Il y a aussi la médiation pénale, dans laquelle la personne victime rencontre l’infracteur qui a directement commis les actes criminels envers elle.
Des témoignages émouvants
La richesse de cette conférence s’inscrit certainement dans l’expérience des trois conférenciers et conférencières. Dans la présentation de Catherine Rossi, professeure et chercheure à l’École de travail social et de criminologie, et codirectrice du Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence intrafamiliale et faite aux femmes (CRIVIFF), il est question de l’état actuel des programmes de justice réparatrice au Québec. Elle a notamment mis en contraste les droits offerts aux accusés et aux victimes dans le système de justice pénale.
Les deux autres invités, Sarah et Jean, ont rapidement favorisé une atmosphère de proximité et d’intimité avec l’audience. Sarah, la première, est une personne ayant vécu des agressions à caractère sexuel. Elle témoignait de son expérience à travers le système de justice pénale, de l’incarcération de son agresseur, mais surtout de sa participation à différents programmes de justice réparatrice. Il y avait également Jean, ex-détenu au Service Correctionnel Canadien (SCC), qui après avoir fait carrière dans le crime organisé, a entrepris des démarches de rencontres entre détenus et victimes au sein du SCC.
Un sentiment de justice et de réparation
Ce mode de résolution de conflit peut apparaître comme inusité, voire même farfelu. Pour quelles raisons une personne victime désire-t-elle discuter avec l’agresseur ? Il serait facile d’imaginer qu’elle aurait tendance à vouloir prendre un maximum de distance ou à ressentir trop de colère. Sarah et Jean ont su répondre à ce questionnement par leur propre expérience.
Sarah n’a pas apprécié son parcours dans le système pénal. Son besoin de réparation n’avait pas été répondu. « Quand mon agresseur est entré en prison, ça ne m’a pas soulagée ou enlevé de poids. Même si je n’avais plus de contact avec mon agresseur depuis 30 ans, notre relation n’était pas terminée. J’avais besoin d’y mettre un terme », relève Sarah. C’est ce qu’elle soutient avoir pu faire lors de ses rencontres.
Elle affirme avoir réellement pu couper les ponts avec cet homme dans son esprit. Elle n’y pense plus à tous les jours et surtout, elle souligne avoir enfin repris du pouvoir dans toutes les sphères de sa vie. Sarah ajoute avoir reçu réparation au moment où un détenu lui a proposé de porter lui-même le poids de cette violence sur ses propres épaules et au moment ou son agresseur a répondu à toutes ses questions.
De son côté, Jean ajoute : « J’ai réalisé que les victimes et les membres du groupe adverse dont j’avais voulu la mort des années auparavant, étaient en fait comme moi ».
Comme le mentionne Catherine Rossi lors de la conférence : « le sentiment d’injustice est souvent le sentiment de surprise ». Avec les démarches de justice réparatrice, tous les scénarios possibles sont envisagés.
Un chemin tracé sur mesure
La moyenne de temps pour la préparation avant la rencontre est d’environ six mois à deux ans, selon les besoins et le rythme de la personne. Ces démarches sont donc sécuritaires pour l’intégrité psychique et physique des participants.
La justice réparatrice offre ainsi aux parties une forme de réparation. Il s’agit de réparer les torts causés, non pas les dégâts matériels mais bien les conséquences graves qui affectent la santé physique et psychique des victimes et de leur entourage, parfois pour de longues périodes.
Ce type de démarches sait répondre à des besoins psychologiques qui ne sont pas autant pris en compte par le système de justice pénale. La conférence, intime et remplie d’émotions, a été accueillie par l’audience comme étant d’une grande richesse. Sarah a terminé sur une métaphore évocatrice : « Selon moi, au lieu de prendre une route droite déjà tracée, la justice réparatrice met des dalles en dessous des pieds d’une personne pour lui permettre d’aller où elle le souhaite. »
L’invitation est lancée ! Un panel aura lieu le mercredi 21 mars prochain à nouveau dans la salle Le Cercle, portant sur les réalités, les enjeux et les défis de la réinsertion sociale.