Être à l’écoute de son corps

PHOTO: François-Xavier Boulanger Nadeau

Selon le docteur Pierre Frémont, du Département de réadaptation physique de l’Université Laval et diplômé de l’Académie canadienne de médecine du sport, la plupart des accidents cardio-vasculaires peuvent être évités. À condition que les sportifs aient un comportement sécuritaire.

«Dans le cas du marathon, les trois quarts des coureurs victimes d’arrêts cardiaques souffraient d’hypertrophie du myocarde (une malformation congénitale) et 70% d’entre eux auraient pu être diagnostiqués. Les symptômes typiques sont des douleurs thoraciques associées à l’effort, ainsi que des douleurs au cou, à la mâchoire et au bras gauche. Même avec ce genre de symptômes, certains marathoniens continuent de courir sans consulter», constate le Dr Frémont.

Population trop importante
Outre la difficulté dans la détection des maladies coronariennes, il est très complexe de contrôler la population marathonienne, du fait de son nombre élevé. Le Dr Frémont confirme «que le marathon est un sport de participation, au contraire de son caractère élitiste d’il y a trente ans. Par exemple, le marathon de New York accueillait 8588 participants en 1978, contre 23651 en 2001».

Le Dr Frémont affirme que des tests d’endurance, comme le VO2MAX, permettant de pousser le sportif au-delà d’un effort
typique et ainsi d’observer la réaction de son rythme cardiaque, est très efficace, mais inutilisable au sein de la population marathonienne. «Il est impensable d’élargir [son utilisation] aussi grandement (…), le rapport coût-bénéfice n’est pas assez intéressant», explique-t-il.

Néanmoins, le docteur Frémont se veut rassurant en affirmant que «les cas de mort subite sont rares et exceptionnels [en marathon]».

Les sportifs de haut niveau sont aussi touchés
Le malaise cardiaque dont a été victime le joueur de soccer français David Sommeil le 20 août dernier, a causé tout un émoi dans le monde du sport professionnel. Cet événement prouve encore une fois que les sportifs de haut niveau ne sont pas à l’abri de ce genre d’accident. Pourtant, ils sont surentraînés, surveillés et sujets à des batteries de test cardiaques et musculaires très complets. Pourquoi certains d’entre eux sont encore victimes de tels malaises ?

«Il y a des choses qu’on ne contrôle pas», nous explique Christine Foy, physiothérapeute du Rouge et Or. «Dans certains cas, le seul moment où l’on saura que la personne à une malformation cardiaque, c’est lorsqu’elle fera un malaise. C’est impossible de déceler à 100 %», ajoute-t-elle.

À l’Université Laval, plusieurs tests sont effectués en début de saison, pour vérifier l’état de santé des étudiants-athlètes du Rouge et Or, notamment des tests physiologiques. Concernant les problèmes cardiaques, un simple questionnaire est proposé, nous apprend Mme Foy.

«À cette âge-là, les étudiants sont au courant s’ils sont sujets à des problèmes cardiaques. Si nous avons un doute par rapport aux résultats du questionnaire, on les envoie faire des tests complémentaires à l’hôpital.»

Le PEPS s’est également doté de deux défibrillateurs cardiaques, l’un localisé entre les deux gymnases à l’intérieur du PEPS, et l’autre proche du stade extérieur. Ainsi, il est possible d’administrer des chocs électriques dans la minute suivant l’arrêt cardiaque. «Grâce à cela, les chances de survie des sportifs sont beaucoup plus élevées», note Christine Foy.

«De plus en plus de défibrillateurs sont installés dans des lieux publics : centres d’achats, aéroports, casinos, etc.Par contre, il y en a peu dans les arénas, alors que c’est là que se trouve la population la plus à risque (sportifs peu entraînés ou plus âgés)», déplore la physiothérapeute du Rouge et Or.

Le résultat avant la santé
Au cours des dernières années, plusieurs cas de mort subite ont défrayé la chronique en Europe. Leur surexposition médiatique laisse à penser qu’il y a une augmentation de tels phénomènes. Dans les chiffres, il n’en est rien, puisque selon une étude du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), les cas de mort subite n’ont pas augmenté ces dernières années et ne touchent qu’un à deux sportifs sur
100 000.

Malgré tout, plusieurs pointent du doigt le dopage, sujet tabou dans certains sports, dont le soccer. «L’aspect dopage ne peut pas être totalement enlevé. La prise de certains médicaments peut causer des risques nouveaux», confirme Christine Roy.

Les calendriers de compétitions surchargés sont aussi largement critiqués dans les milieux sportifs européens. Entre les compétitions nationales, continentales et internationales, les joueurs sont soumis à des rythmes de plus en plus exigeants et à une obligation de résultats, découlant de la nécessité d’efficacité économique des clubs. Sans compter le facteur stress subit avant, pendant et après les compétitions.

Être attentif aux signes
Vu l’impossibilité de détecter à 100 % les signes avant-coureurs de malformation cardiaque, la seule solution pour les sportifs amateurs et professionnels est l’écoute de soi.

«Souvent, les sportifs se donnent des défis et font preuve de grandes motivations. Il est difficile de leur faire prendre conscience des risques  auxquels ils s’exposent et de les freiner. C’est bénéfique pour l’individu et la société de voir de plus en plus de gens prendre le contrôle de leur santé par l’effort. Mais il ne faut pas oublier d’être à l’écoute de son corps», insiste le Docteur Frémont.

Il conclut en assurant qu’«ils [les victimes de malformations cardiaques] ne mourront pas d’arrêt cardiaque s’ils suivent les traitements adéquats. Il est même possible de continuer à faire du sport sans risque».

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