Le secret du volant chinois

La Chine n’est pas tout à fait étrangère à Vivano Nget, puisqu’il s’y était rendu l’an dernier à la même époque. Il sait qu’il doit s’attendre à des chaleurs accablantes ainsi qu’à des entraînements extrêmes, se remémorant des ampoules, des muscles endoloris et des chaussettes détrempées au point de devoir les tordre. «Je ne m’étais pas entraîné deux ou trois semaines avant le départ. J’en ai subi les conséquences», avoue-t-il, affirmant également avoir eu besoin de trois semaines pour s’acclimater complètement afin d’être au sommet de son art.

Avec Jimmy Bouchard, ils disposeront cette année d’un interprète capable de leur traduire les instructions dictées par l’entraîneur chinois qui les recevra et devront faire face à un calibre de jeu leur étant tout à fait inconnu. En effet, ils s’échangeront en effet les volants à qui mieux-mieux avec les joueurs de la deuxième ligne de Chine, soit environ une quinzaine de passionnés âgés entre 18 et 22 ans et se situant parmi les meilleurs… au monde. «On n’a aucune idée de ce qui nous attend. On ne peut que présumer», raconte Jimmy Bouchard.

À défaut de ne pas connaître exactement ce à quoi ils seront confrontés, ils sont bien avisés que leur horaire sera des plus chargés : cinq jours d’entraînement par semaine, à raison de plus de cinq heures quotidiennement. «Je prends ça comme un jeu, mais je sais qu’on va en avoir jusque par-dessus la tête», affirme Jimmy Bouchard.

Une expérience onéreuse
Leur séjour sera toutefois scindé en deux blocs d’entraînement de cinq semaines qui seront séparés par deux semaines de voyage en Indonésie. Au programme de ces 14 jours de repos bien mérité figurent notamment une escale à l’Indonesia Open 2009, où s’affrontent les meilleures raquettes du globe, ainsi qu’une séance de bronzage sur les plages de la magistrale île de Bali. En tout et pour tout, ce sont plus de 8000 $, tout droit sortis de leur poche, que les deux joueurs devront débourser individuellement.

D’ici le grand départ cependant, pas question de chômer pour les deux athlètes : tandis que Vivano Nget est aux études à temps plein et enseigne le badminton à temps partiel, Jimmy Bouchard travaille 36 heures par semaine dans un magasin de sport, tout en enseignant aussi le badminton à temps partiel. À travers cela, les deux athlètes doivent trouver le temps de s’entraîner ensemble trois fois par semaine, à raison de trois heures par séance. Malgré leurs emplois du temps saturés, les deux complices savent que le départ approche à grands pas : l’excitation est à son comble.

Au sujet de leur avenir dans le badminton à la suite de ce voyage, dont ils reviendront le
6 août, tous deux se disent incertains : Vivano Nget espère pouvoir se joindre au Rouge et Or de l’Université Laval afin de pouvoir plus aisément concilier études et badminton, sans quoi, il se verra peut-être dans l’obligation de remettre les choses en perspective. Quant à Jimmy Bouchard, il se dit «motivé à essayer de faire quelque chose pour les jeunes. Il y a eu trop de bons joueurs au Québec qui n’ont pas partagé leur expertise avec la relève».

Léguer un savoir
À son retour de Chine, Jimmy Bouchard souhaite donc faire profiter les jeunes de ce qu’il aura pu apprendre là-bas, tout en l’adaptant à la réalité du Québec. «On ne peut pas faire cinq heures d’entraînement par jour au Québec. On veut connaître leur recette et je voudrais ajouter une partie de moi à ça», affirme-t-il. Il souhaite donc remodeler l’entraînement auquel s’adonnent les meilleurs au monde, tout en l’allégeant et en le rendant plus efficace. Très enthousiaste, il a déjà entrepris la description de son expérience par le biais d’un blogue dont l’adresse est www.jimbo.blogvie.com. Le titre de son dernier billet, soit «J’ai vendu trois reins, quatre pancréas et un poumon pour jouer au bad in China», laisse présager que ses futurs récits de voyage risquent d’être tout sauf sobres et ennuyeux.

Quant à Vivano Nget, il sait que ce voyage au pays des maîtres du badminton sera son dernier : «C’est une deuxième chance pour me ruiner [financièrement]! C’est sûr que c’est mon dernier voyage, à moins que je gagne à la 6/49 ou qu’on me donne
30 000 $ par année». Il espère donc aller puiser en Chine du soutien moral et ramener avec lui la valorisation de ce sport de raquette dont seulement une infime fraction des joueurs a la chance, que lui aura tout l’été, de s’entraîner avec les meilleurs au monde.

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