Thèse en bref: Bigorexie et narcissisme

En quoi l’homme bigorexique se différencie de la femme anorexique, ou les raisons pourquoi dysmorphie musculaire rime avec faible estime corporelle, perfectionnisme et narcissisme.

Maxime Bilodeau

La bigorexie, ou dysmorphie musculaire, comprend plusieurs facettes. C’est tout d’abord un trouble mental qui touche les hommes pour qui l’entraînement constitue un moyen de sculpter leur corps tout en évitant d’engraisser. Ensuite, c’est un problème qui, à bien des égards, s’apparente à l’anorexie féminine, de là d’ailleurs sa dénomination « d’anorexie inversée ». C’est le sujet sur lequel se penche Isabelle Labrecque, doctorante en psychologie à l’Université Laval, dans le cadre de ses recherches.

Dans ses recherches au Laboratoire d’évaluation et d’intervention en problématique du poids, Mme Labrecque a comparé le profil psychologique de jeunes hommes souffrant de bigorexie avec ceux de femmes anorexiques et d’individus sains représentatifs de la population. Aux fins de son étude, elle a ciblé certaines variables psychologiques clés.

Rencontrée par Impact Campus la semaine dernière à l’Université Laval, Mme Labrecque a tenu à clarifier le stéréotype voulant que le bigorexique s’entraîne nécessairement deux fois par jour, sept jours par semaine. Selon elle, « c’est davantage la rigidité qui accompagne les comportements qui importe. On peut souffrir de bigorexie en s’entraînant aussi peu que trois fois par semaine. »

D’ailleurs, cette notion de rigidité comportementale fait partie d’une série de critères sur lesquels Mme Labrecque s’est basée pour mettre sur pied une entrevue diagnostique. Constituée d’une vingtaine de questions, cette entrevue lui a entre autres permis de constater que 90% des bigorexiques de son échantillon disent abandonner fréquemment des activités sociales afin de se concentrer sur leur entraînement. Dans son groupe constitué d’individus sains, ce nombre est de 10% seulement.

En ce qui a trait aux variables psychologiques étudiées, les découvertes de la doctorante confirment l’existence d’un parallèle entre bigorexie et anorexie au niveau de l’estime de soi corporelle et du perfectionnisme. « Ce que ça veut dire, c’est que les deux groupes partagent la même perception altérée de leur corps ainsi que la même quête effrénée d’excellence », a-t-elle analysé.

Mais là où la comparaison entre les deux groupes est la plus intéressante, c’est en ce qui concerne le narcissisme dit « grandiose ». En fait, ce n’est pas une ressemblance que Mme Labrecque a constatée, mais bien une différence. Selon elle, les idées de grandeur, l’arrogance et le besoin d’être admiré qui caractérisent ce type de narcissisme constituent une variable distinctive de la bigorexie.

Au final, la future psychologue clinicienne prodigue le conseil suivant : « L’important, c’est d’être franc avec soi-même. Pourquoi est-ce que je m’entraîne ? Est-ce que c’est dans le but de gagner une compétition ou d’être le plus cut possible ? Est-ce que mes motivations sont intrinsèques ou extrinsèques ? »

Auteur / autrice

  • Maxime Bilodeau

    Journaliste (beaucoup), kinésiologue (un peu) ainsi qu’amateur de sports d’endurance (jamais assez), Maxime œuvre au sein d’Impact Campus depuis 2013. Le journaliste-bénévole qu’il était alors a ensuite dirigé les Sports pour, finalement, aboutir à la tête du pupitre Société, une entité regroupant les sections Sports, Sciences & technologies et International. Celui qu’on appelle affectueusement le « gârs des sports » collabore aussi à diverses publications à titre de pigiste. On peut le lire entre autres dans Vélo Mag, Espaces, et L’actualité.

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