L’été de tous les dangers

’Université Laval n’offre pas de formation en météorologie ou en divination, mais il suffit d’observer l’infaillible régularité stratégique de la Très Haute Administration pour y prédire l’arrivée des catastrophes. Les décisions controversées y sont invariablement entérinées durant les vacances. Cette année fera-t-elle exception?

D’abord, petite traversée du siècle nouveau. En mai 2002, on imposait 180$ de frais pour la modernisation de la gestion des études. En mai 2005, on refusait de confier l’exploitation des installations alimentaires du campus à l’initiative étudiante l’Entithé. En mai 2006, le conseil d’administration donnait son accord à la construction d’une «épicerie-école» sur le campus. En mai 2008, le budget lavallois annonçait une hausse de 50$ des frais institutionnels obligatoires (FIO, soit tous les frais exigés des étudiants à l’exception des droits de scolarité). Mai 2009, bis. On risque de se faire filer une autre augmentation des FIO.

Des associations étudiantes aux syndicats, tous ont déjà dénoncé, avec raison, cette pratique qui consiste à prendre des décisions impopulaires en l’absence de la majorité des étudiants et des employés sur le campus. Même les initiatives qui ne relèvent pas du budget pour l’année suivante, présenté à la fin mai au conseil universitaire, surgissent en cette époque tranquille où la mobilisation est humainement impossible.

L’Université a affiché sa volonté de hausser les FIO de 25$ pour l’an prochain, mais négocie actuellement avec les associations étudiantes, comme l’a révélé Impact Campus il y a déjà un mois. Qu’attend-on pour trancher? Un budget se prépare à l’avance, surtout en temps de crise économique et avec une dette accumulée de 116 M$. L’Université doit annoncer sa décision avant la fin des cours et, s’il y a une hausse, en présenter la justification aux étudiants.

En mai, arrivés au dépôt du budget, on pourra prétexter l’impossibilité d’une entente avec les associations étudiantes pour hausser les FIO d’autant que le règlement du ministère de l’Éducation le permet. L’obligation de transiger avec les représentants étudiants, exposée dans le même règlement, ne devient qu’une mascarade lorsque l’Université a le dernier mot et, qu’en plus, elle peut se prononcer pendant l’été, sans s’expliquer à la communauté universitaire.

Tout le mépris de l’administration Brière pour l’opinion étudiante s’est d’ailleurs révélé l’an dernier. Lors d’un référendum, 80% des étudiants lavallois avaient voté contre l’augmentation de 102$ des frais technologiques. Avec une incroyable arrogance, l’Université n’a pas considéré ces résultats et il a fallu l’intervention de la ministre Courchesne pour que la décision soit renversée.

Après les 50$ finalement ajoutés à la facture l’an dernier, «l’augmentation» du coût des services et du fonctionnement est largement compensée par les étudiants. Avant cette augmentation, Laval était déjà la sixième université au Québec (sur 15) où les FIO étaient les plus élevés, selon des données de 2006-2007 compilées par le ministère de l’Éducation. L’Université ne peut pas, de façon légitime, augmenter sans cesse les frais technologiques (contenus dans les FIO) pour récupérer le 102$ d’augmentation auquel les étudiants se sont massivement opposés. Toute augmentation des frais devra s’accompagner d’une bonification des services offerts. Il faut que l’administration rende des comptes au-delà du conseil universitaire.

La direction lavalloise ne devrait pas constituer un «eux» contre «nous», les étudiants, mais un allié dans la lutte au sous-financement des universités et à la précarité financière des étudiants pour qui, après tout, elle est supposée travailler chaque jour. L’historique de son attitude nous démontre malheureusement le contraire. Elle tente immanquablement de presser le portefeuille des universitaires pour combler son manque de ressources, comme si les étudiants n’étaient pas la raison d’être de l’Université, mais un (récalcitrant) distributeur automatique au service du budget.

L’administration sera-t-elle plus responsable cette fois? Et surtout, aura-t-elle le courage d’assumer sa décision devant la communauté universitaire?

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