Consommation d’énergie de l’Université Laval : nourrir la bête

Chauffer, éclairer et abreuver d’eau plus d’une trentaine de pavillons disséminés sur 1,9 km2. C’est la tâche dont l’Université Laval s’acquitte 24 h sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par année. Mais le fait-elle bien?

Une simple visite sur le campus les soirs, les fins de semaine ou lors de journées de congé permet de le constater : l’Université Laval, même si désertée, ne dort jamais. Tout comme d’ailleurs sa consommation d’énergie et de ressources. En effet, corridors constamment éclairés, bâtiments toujours chauffés et urinoirs qui coulent en permanence sont quelques-unes des nombreuses dépenses requises pour faire « vivre » la cité universitaire, véritable ville enclavée dans une ville.

S’il peut être tentant de conclure d’emblée au gaspillage éhonté, une simple vérification des données tirées du plus récent rapport de développement durable de l’Université Laval (2011-2012) permet de nuancer le portrait. En effet, à 1,24 Gj/m2 de consommation moyenne d’énergie, Laval se situe bien en deçà de l’intensité énergétique moyenne des universités québécoises qui est de 2,13 Gj/m2. Même les laboratoires lavallois, qui, à 1,7 Gj/m2, constituent le poste de consommation énergétique le plus élevé de l’Université, sont moins énergivores.

Ces chiffres surprennent Francis Pronovost, expert-conseil en énergie et bâtiment chez Écobâtiment : « Clairement, il y a un souci de l’Université Laval de vouloir mieux faire en terme d’efficacité énergétique ». Selon l’ingénieur, il faut toutefois garder à l’esprit que ces chiffres constituent des moyennes. « Les performances énergétiques des bâtiments nouvellement érigés compensent, du moins en partie, celles moins glorieuses des bâtiments plus anciens. Cela a comme effet de tirer la moyenne vers le haut », analyse-t-il. Notons que plusieurs pavillons ont été construits au milieu du siècle dernier, alors que l’Université Laval s’est installée hors des murs de Québec où elle était jusqu’alors confinée.

En ce qui concerne la consommation d’eau, l’unité utilisée par l’Université Laval ne rend pas l’analyse facile. En utilisant le m3/équivalent employés et étudiants à temps plein (ETP), elle ne permet pas, par exemple, de comparer directement avec les statistiques officielles de consommation d’eau qui, elles, sont exprimées en litres/jour. Néanmoins, il est possible d’affirmer que l’Université Laval a réduit sa consommation d’eau de 4020 litres/ETP depuis 2007-2008, passant de 24 600 litres/ETP à 20 580 litres/ETP en 2011-2012.

L’art de la compromission

Selon Marie-Pier Denis, coordonnatrice en environnement et développement durable au service des immeubles de l’Université Laval, le fait que les pavillons soient chauffés et éclairés en quasi-permanence relève de la volonté de l’établissement d’offrir une grande accessibilité à ses infrastructures. « Notre rôle au service des immeubles est de satisfaire à cette offre de service. Nous ne pouvons décider, par exemple, de tout mettre au neutre lorsqu’il n’y a presque plus personne dans les bâtiments. Le confort des utilisateurs prime avant tout », souligne-t-elle.

« Comme étudiant, ajoute celle qui a récemment complété sa maîtrise en biologie, il faut se rendre compte que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’activités éducatives dans les murs de l’établissement que personne n’y travaille. En effet, du personnel s’y active continuellement, ce qui nous oblige à respecter des normes de sécurité strictes. »

Interrogée sur les possibles disparités existantes entre les divers bâtiments qui composent le parc immobilier de l’Université Laval, Marie-Pier Denis affirme qu’elles sont bien réelles : « La plupart datent d’une époque à laquelle la consommation d’énergie n’était pas une priorité. Depuis le lancement en 2006 d’un programme d’efficacité énergétique de 12 millions de dollars, nous essayons tant bien que mal de les remettre à niveau, en priorisant ceux qui sont à forte consommation ». Fait à noter : contrairement à ce que l’on pourrait penser, le pavillon Louis-Jacques-Casault est un des « vieux » qui est le moins énergivore.

Un des plus grands défis identifiés par Marie-Pier Denis en ce qui a trait à la consommation d’énergie réside dans la sensibilisation des usagers. « Chaque année, 10 000 étudiants quittent l’Université alors que 10 000 autres y arrivent, ce qui complique déjà drôlement la tâche. Ajoutez à cet énorme roulement le fait que les communications sont décentralisées, et il devient très difficile, voire impossible, de rejoindre tous ceux qui devraient l’être », dit-elle.

Mais qu’en est-il des propriétaires de ces locaux dits « de services » situés aux pavillons Alphonse-Desjardins et Maurice-Pollack? « Puisque ce sont des locataires qui paient des baux, ils administrent les choses comme ils le veulent », lance Mme Denis. « Si vous trouvez leur utilisation énergétique abusive, c’est à vous et non à l’Université d’aller les voir », ajoute-t-elle.

Au final, l’ensemble du message de Mme Denis peut être résumé par un seul mot : compromis. Entre le confort des usagers et les économies potentielles d’énergie et d’eau certes, mais également entre les contraintes techniques des bâtiments et la relative lourdeur de l’administration.

Twitter: @bilodma

Auteur / autrice

  • Maxime Bilodeau

    Journaliste (beaucoup), kinésiologue (un peu) ainsi qu’amateur de sports d’endurance (jamais assez), Maxime œuvre au sein d’Impact Campus depuis 2013. Le journaliste-bénévole qu’il était alors a ensuite dirigé les Sports pour, finalement, aboutir à la tête du pupitre Société, une entité regroupant les sections Sports, Sciences & technologies et International. Celui qu’on appelle affectueusement le « gârs des sports » collabore aussi à diverses publications à titre de pigiste. On peut le lire entre autres dans Vélo Mag, Espaces, et L’actualité.

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