Fancy Ghetto
Alexandre Désilets
Indica Records
Les attentes étaient grandes envers ce troisième opus de l’auteur-compositeur-interprète Alexandre Désilets, que ses deux premiers albums, d’une belle qualité, avaient situé en bonne place dans le cœur des critiques et des amateurs de cette pop aérienne qui se fait omniprésente depuis quelques années. Fancy Ghetto ne remplit pourtant pas toutes ses promesses.
Avec cette nouvelle offrande, Alexandre Désilets emprunte une approche plus rock, il offre une musique pop qui se veut plus vive, plus audacieuse, mais qui demeure malgré tout sage et horriblement générique. Les différentes pièces de l’album, dont certaines ne sont pourtant pas dénuées d’originalité et de qualités — les arrangements sont souvent fins, les textes travaillés, les atmosphères riches —, se succèdent sans susciter l’émotion, laissant l’auditeur de marbre. Certes, les rythmes, prenants, peuvent parfois provoquer une vague envie de danser, mais il se dégage de l’ensemble une grande et uniforme froideur. La musique est belle, pour peu qu’on aime le genre, mais généralement trop peu incarnée. Les synthétiseurs, les guitares électriques, les pianos et les autres omnichords, malgré l’indéniable efficacité des arrangements, ne suffisent pas à donner assez de tonus à un album qui manque cruellement d’aspérités, sinon de personnalité.
Néanmoins, le produit est d’une grande qualité : la réalisation de François Lafontaine — eh oui, le claviériste de Karkwa, encore lui — est précise et énergique, et les musiciens — Samuel Joly aux percussions, François Plante à la basse électrique, Olivier Langevin à la guitare et François Lafontaine au piano et au synthétiseur — livrent une partition parfaite. Les textes, coécrits par Désilets et Mathieu Leclerc, nous offrent une suite poétique douce-amère, constituée d’une ribambelle de contes d’amour nocturnes. Certaines chansons émergent de l’ensemble de façon plus qu’avantageuse : la pièce Fancy Ghetto, entêtante, est redoutablement efficace, bien servie par un texte et un rythme accrocheurs; l’incantatoire Tout est perdu ensorcelle; mais la palme revient à la touchante et puissante ballade Rejoins-moi, cosignée par l’excellent et habile Éric Goulet.
Bref, s’il est techniquement irréprochable, Francy Ghetto pèche cependant par excès de froideur. Le souffle manque souvent, et si l’oreille accroche, le cœur ne s’emballe guère. Il s’agit cependant d’être honnête : les inconditionnels du genre, amoureux de Nevsky ou de Peter Peter, risquent fort d’apprécier. Grandement. Et ce, malgré un grave manque d’intensité, qui vient miner un album qu’on espérait plus éclaté, plus senti.
3/5 Nathan Murray