Féminisme à l’UL : ouvrir un espace de réflexion

Constatant que la voix féministe s’essouffle sur le campus, deux étudiants ont organisé, le 19 mars dernier, une journée de réflexion sur ce sujet avec pour thème « Pour un féminisme sans frontières ».

Dominique Lelièvre

C’est que l’association étudiante féministe de l’Université Laval, la FEMUL, a interrompu ses activités il y a plusieurs mois. Hind Fazazi et Emanuel Guay, respectivement étudiant en philosophie et en politique et étudiant en sociologie, ont donc senti qu’il y avait là un besoin à combler.

« On a trouvé ça dommage. On a essayé de les contacter à diverses reprises, mais ça n’a pas fonctionné, donc on a voulu aller de l’avant et créer un espace de discussion », explique Mme Fazazi.

La journée s’est ouverte avec l’exposé de M. Guay sur le masculinisme, un mouvement qui prétend « que la lutte des femmes a mené à des excès et qu’il s’agit de rétablir l’équilibre au nom d’une identité masculine véritable qui aurait été opprimée », a-t-il décrit.

Il s’est dit inquiet de certains propos tenus dans l’espace public qui non seulement prennent souvent une forme antiféministe, mais qui, en plus, tendent à opprimer les hommes ne répondant au stéréotype de la masculinité qui est véhiculé, soit celui de l’homme hétérosexuel, fort et viril.

Pour un féminisme inclusif

Or, cette vision des choses risque fort peu de mener à une meilleure entente avec les femmes et les groupes minoritaires, croit M. Guay. Avec sa collègue, il s’est plutôt montré en faveur d’un féminisme inclusif qui pourrait même défendre les intérêts, pourquoi pas, des hommes.

« Le féminisme n’est pas un lobby, c’est un mouvement pluriel qui ne désire pas assurer la suprématie des femmes sur les hommes, mais qui se propose plutôt de penser aux conditions d’une égalité réelle entre les différentes identités de genre qui composent notre société », a-t-il déclaré.

Abondant dans le même sens, Hind Fazazi a exhorté les féministes québécoises à tenir compte de la réalité des minorités culturelles et à cesser de parler en leur nom. Elle déplore la propension de certaines féministes occidentales à considérer la condition des femmes de manière universelle, négligeant ainsi les différences historiques, géographiques et culturelles.

Selon elle, les « Janettes » ont commis une erreur en se déclarant en faveur de la charte de la laïcité « au nom d’une solidarité féministe internationale » alors qu’elles « ne sont pas des femmes issues directement de ces communautés ».

« Est-ce qu’on s’oppose au voile comme symbole d’oppression, ou est-ce qu’on essaie plutôt de donner la parole à ces femmes qui portent le voile, ce qu’on ne fait pas actuellement? » a illustré plus tard son acolyte.

Encore des luttes à mener

En soirée, les étudiants ont accueilli Diane Lamoureux, professeure au Département de science politique de l’Université Laval, et Chantal Maillé, professeure en Women’s Studies à l’Université Concordia et chercheuse à l’Institut Simone de Beauvoir.

Questionnée sur l’intérêt du féminisme à une époque où la discrimination des femmes semble chose du passé, Mme Maillé a souligné qu’il ne fallait pas se leurrer. « Je suis la première à reconnaître qu’effectivement les choses ont changé. Ça ne va pas mal pour toutes les femmes, mais ça ne va pas bien pour toutes les femmes non plus », a-t-elle résumé.

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