C’est l’actuel entraîneur du Rouge et Or, Bill McNeil, qui a convaincu l’athlète de rejoindre les rangs de l’équipe lavalloise. Il y a dix ans, c’est d’ailleurs M. McNeil qui était responsable de l’équipe de rugby au collège St-Lawrence, lorsque Marie-Ève y étudiait. «Il était aussi mon professeur de philosophie», raconte la future recrue du Rouge et Or. Celle qui a commencé à jouer au rugby à sa quatrième année de secondaire au Mont-St-Anne, a par la suite complété un baccalauréat à Vancouver. Elle jouait à ce moment là pour l’équipe de la Colombie-Britannique, en 2003 et 2004.
En 2005, elle a fait partie de l’équipe nationale canadienne des moins de 23 ans. «On s’entraînait deux fois par jour, on ne faisait que manger, dormir et jouer au rugby» s’est-elle rappelé. Elle a d’ailleurs affronté l’équipe américaine à deux reprises pendant cette période. Après avoir raté la sélection de 2006, elle a finalement rejoint les rangs de l’équipe nationale senior en 2007. Marie-Ève a passé les deux dernières années en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud.
Le rugby à Pretoria
Marie-Ève Brindamour-Carignan a évidemment profité de son séjour à l’extrémité sud de l’Afrique pour continuer à jouer au rugby. Une expérience bien différente. «C’était assez dur de jouer là-bas» affirme-t-elle.
À Pretoria, les stéréotypes entourant la pratique du rugby par des femmes sont nombreux. S’il existe des préjugés ici, «c’est pire là-bas» tranche la joueuse québécoise. En Afrique du Sud, le rôle traditionnel de la femme au foyer est encore bien présent dans les mentalités. «Être actif et faire du sport, c’est déjà spécial», illustre-t-elle.
Celle qui portera l’uniforme du Rouge et Or à l’automne a aussi souligné les difficultés liées au tensions raciales dans le pays. «Les Noirs et les Blancs sont séparés dans la société et dans le sport» déplore-t-elle. Elle jouait en tant que capitaine pour son université et assistante capitaine pour l’équipe provinciale. «J’essayais d’inclure tout le monde dans les activités», insiste-t-elle. Mais le plus souvent, pendant les pratiques, les Noires jouaient contre les Blanches. «Ça arrivait régulièrement, je suis allé voir les entraîneurs mais ils n’ont rien fait», réprouve-t-elle. Difficile de croire que la devise du pays soit: «L’unité dans la diversité».
Dans la vie de tous les jours, la capitale administrative de l’Afrique du Sud est également bien différente. «Il y a beaucoup de crimes dans le pays, c’est beaucoup moins sécuritaire qu’ici». Marie-Ève Brindamour-Carignan explique que les fenêtres des résidences sont rayées de barreaux et que les bâtiments sont cernés de hautes clôtures gardées 24 heures sur 24. Assez différent de nos résidences universitaires… «Complètement différent », fait-elle valoir.
Mais tout n’est pas noir ou blanc en Afrique du Sud. Pour la future joueuse du Rouge et Or, la couleur sud-africaine vient de l’engouement général pour le rugby. «Tu ouvres la télé, c’est du rugby, tu vas au parc il y a des centaines de personnes qui jouent au rugby.Là-bas, c’est comme le hockey ici, c’est le sport principal», souligne-t-elle. L’équipe nationale senior masculine est d’ailleurs tenante du titre de champion du monde. Les femmes connaissent cependant plus de difficultés, mais un récent programme de financement permettra, selon Marie-Ève Brindamour-Carignan, de rehausser la qualité du jeu des athlètes sud-africaines. «Ils [l’Afrique du Sud] ont de bons athlètes mais pas d’argent», illustre-t-elle. Ce nouveau programme obligera l’équipe masculine à financer le programme de rugby féminin.
La Coupe du monde
Marie-Ève Brindamour-Carignan ne se fait pas d’illusions, elle sait très bien que la compétition au Québec «n’est pas super», même si les filles du Rouge et Or sont très fortes. Son objectif ultime est de s’entraîner pour faire partie des 15 joueuses canadiennes qui seront sur le terrain lors de la prochaine Coupe du monde de rugby, en 2010.
Pour y parvenir, elle pourra profiter de la «qualité des installations et des bons entraîneurs» du Rouge et Or. Elle bénéficie aussi, en faisant partie des 22 meilleures joueuses au pays, d’un brevet de Sport Canada. Ce qui signifie que ses frais de scolarité sont payés et qu’elle reçoit une aide financière de 900$ par mois pour s’entraîner et voyager. «Le rugby sur l’équipe nationale c’est un pay to play. Il faut payer pour chaque partie, camp d’entraînement, voyage, en plus de tout le temps qu’on met pour s’entraîner», explique-t-elle.
La jeune femme reste prudente, mais elle a «hâte de voir le championnat canadien». Selon elle, la quatrième position de l’Université Laval, en 2008, donne beaucoup de prestige à l’institution et elle entend bien orienter ses efforts en ce sens. «Je connais beaucoup de filles qui sont allées à Lethbridge, en Alberta, ou à Western, en Ontario, seulement pour jouer au rugby». Elle espère désormais faire profiter les joueuses de l’Université Laval de son expérience dans le sport. «Il y a dix ans, il n’y avait pas beaucoup d’options avec le rugby au Québec, c’est pourquoi j’étais partie dans l’ouest. Maintenant, je souhaite redonner au rugby québécois».
La joueuse québécoise portera très probablement le numéro 8 avec le Rouge et Or, ce qui signifie la position de centre sur la troisième ligne. Un poste habituellement confié à une joueuse de grande taille possédant beaucoup d’expérience…