En effet, il y a 10 ans, Napster naissait d’un étudiant en informatique nommé Shawn Fanning, ayant décidé de laisser tomber ses cours pour se concentrer dans un projet de libre distribution de fichiers musicaux. Entièrement programmé par l’étudiant du Massachusetts, sa popularité fut explosive: en l’espace de six mois, plus de deux millions d’utilisateurs avaient téléchargé son programme et s’échangeaient des fichiers. Conséquences? À une vitesse incalculable, des fichiers de musique, de film, des livres, ainsi que des logiciels étaient en circulation partout dans le monde, au delà des États et des frontières tangibles.
Napster a aussitôt reçu nombre de poursuites judiciaires pour avoir facilité le viol de droits d’auteurs. Le 7 décembre 1999, la RIAA déposait une plainte et embourbait Napster dans deux ans de démêlées judiciaires. Cela aura eu l’effet d’influencer le système judiciaire américain. En effet, ce dernier a dû rapidement s’adapter aux nouvelles réalités d’Internet. Autre effet intéressant de la poursuite : elle aura contribué à augmenter radicalement la popularité du logiciel en l’espace de quelques mois de médiatisation.
À cette époque, on comptait également une augmentation rapide des connexions à haute vitesse dans les foyers nord-américains. Le réel changement qui a mené la problématique des droits d’auteurs, c’est-à-dire de savoir si le gouvernement devrait réguler les pratiques des internautes en matière de téléchargement de contenu, aura été qu’en l’espace de quelques mois, la dynamique d’échange et de consommation de l’information fut transformée. Une culture de la gratuité et du partage s’y développa et amena l’industrie à trouver des stratégies de développement qui concordait avec les pratiques des internautes. L’accessibilité de la culture sur Internet a changé considérablement la manière dont les juristes et le Parlement canadien réfléchissent sur les droits d’auteurs.
Le débat est lancé
Aujourd’hui, la problématique du téléchargement est un sujet d’actualité, autant dans la sphère juridique que celle politique. En temps de crise dans une économie du savoir et des services, les gouvernements nord-américains désirent que la production intellectuelle, peu importe dans quel domaine elle se trouve, soit contrôlée. Le désir des Conservateurs est d’instaurer une loi qui établira un équilibre entre le laxisme au niveau du contrôle des droits d’auteurs sur Internet et les droits des canadiens sur
la toile.
Il faut comprendre que la réforme du droit d’auteur ne date pas d’hier. Le Canada a signé les traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), mais n’en a toutefois pas encore ratifié les objectifs.
Le sujet est en plus très délicat, car il s’agit certes de protéger les créateurs artistiques et intellectuels, sans toutefois brimer les individus qui désirent avoir accès à la connaissance et à l’information sur la toile. Les politiciens, les lobbyistes et des milliers de Canadiens ont en effet passé une bonne partie de l’automne à débattre sur le projet de loi C-60, la réforme tant attendue du droit d’auteur numérique au Canada.
Même si une partie du projet de loi rétablit un certain équilibre, la grande déception chez les activistes tient à ce que le projet de loi ne projette pas une vision positive de la réforme du droit d’auteur au Canada qui élargirait l’accès à la culture canadienne et ouvrirait de nouvelles portes tant à nos artistes qu’au milieu de l’éducation. Le projet de loi C-60 vise à promouvoir l’apprentissage par Internet en permettant aux écoles de diffuser des leçons contenant des objets protégés par le droit d’auteur. Par contre, il restreint ce nouveau droit en forçant les écoles à détruire le plan de leçon dans les 30 jours suivant la fin du cours. De surcroît, les écoles devront tenir un registre, pendant trois ans, des leçons utilisées ainsi que des dates d’impression et de destruction de ces leçons.
Deux visions s’affrontent
Les titulaires des droits militent en faveur de mesures qui augmenteront leur emprise sur les œuvres. Ces mesures sont les régimes de délivrance de licences pour l’utilisation du contenu d’une œuvre, les sociétés de gestion collective qui imposent des droits de licence pour les technologies des communications, l’élargissement du délai du droit d’auteur, l’utilisation d’appareils de cryptage, la criminalisation des activités de contournement, la restriction des droits des utilisateurs et bien d’autres encore. Au nombre des groupes les plus prestigieux qui s’adonnent activement à des activités de pression, notons l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, Access Copyright, le Canadian Publishers Council et la Writers’ Union of Canada. Ces détenteurs de droits d’auteur se sentent de plus en plus menacés par les technologies numériques qui facilitent l’échange de fichiers renfermant leurs
produits.
Les défenseurs des droits des utilisateurs, quant à eux, favorisent les mesures qui leur assureront le plus vaste accès possible. Ils s’opposent à l’élargissement du délai du droit d’auteur, aux mesures destinées à rendre illégales les activités de contournement, peu importe leur but, et aux interprétations restrictives de «l’utilisation équitable» et des autres droits traditionnels des utilisateurs. Parmi ces groupes, on retrouve plusieurs organismes nationaux d’enseignement, un domaine où l’interprétation du droit d’auteur a de grandes conséquences.
On a bien dit que les nouveaux médias transformeraient le paysage intellectuel, mais cette mutation du domaine juridique est un cas à part. Tant par son importance que par sa place prépondérante dans les domaines artistiques, culturels et industriels, le droit d’auteur s’impose comme un enjeu crucial de la transition numérique.