Des antibiotiques à base de coquerelles

Le chercheur Simon Lee et son équipe de l’Université de Nottingham en Angleterre ont découvert neuf molécules potentiellement antibiotiques contenues dans les tissus nerveux de coquerelles. Les chercheurs croient ainsi avoir trouvé une voie menant au développement d’antibiotiques capables de traiter les infections qui deviennent, avec le temps, toujours plus résistantes aux antibiotiques.

Des insectes comme la blatte et la sauterelle se serviraient de leurs molécules antibactériennes pour se défendre contre de nombreux types de bactéries. C’est en ayant l’habitude de vivre dans des endroits insalubres que ces insectes ont développé une arme polyvalente, affirmait Simon Lee en entrevue dans le quotidien Le Monde.

Des tests cliniques ont d’ailleurs démontré que les substances antimicrobiennes découvertes  étaient capables de tuer plus de 90% des bactéries responsables des infections, sans endommager les tissus sains. Deux pathogènes qui ont développé une forte résistance aux antibiotiques, les staphylocoques dorés (staphylococcus aureus) résistant à la méticilline (SARM) et les bactéries Escherichia coli, ont servi à l’expérience.  

Le directeur de l’Institut des maladies infectieuses et immunitaires du Canada (IMII), Serge Desnoyers, soutient l’avis des chercheurs de Nottingham comme quoi leur découverte annonce le développement de nouveaux  traitements efficaces. «En 2010, la résistance des bactéries aux antibiotiques s'est sensiblement accrue. Arriver à tuer 90% des SARM, c’est très encourageant. On croit aussi qu’un traitement prolongé à cet antibiotique sera capable de neutraliser l’autre 10% de bactéries», affirme-t-il.

Pour l’instant, les chercheurs concentrent leurs efforts pour déceler toutes les propriétés chimiques des molécules qu’ils ont découvertes. «On peut prévoir qu’ils vont séparer les cellules nerveuses des insectes pour en faire un extrait cellulaire. Après, ils pourront fragmenter les molécules et les purifier afin de les analyser séparément», estime Serge Desnoyers.

Compter sur le système immunitaire
Lorsque les antibiotiques ne suffisent pas à soulager une infection, les patients au système immunitaire affaibli doivent, le plus souvent, se retrouver aux soins intensifs, note Santé Canada. Autrement, le système immunitaire réussit à neutraliser la multiplication des bactéries.

C’est l’utilisation excessive de nombreux types d’antibiotiques dans le monde qui expliquerait pourquoi les traitements perdent en efficacité avec le temps. En effet, les bactéries réagissent habituellement aux antimicrobiens en modifiant leur génome avec des mutations. Celles-ci engagent la production d'une enzyme capable de détruire l'antibiotique, assurant une résistance accrue a la bactérie, explique le directeur adjoint de l'IMII.

«La résistance s'expliquerait principalement par le fait que les gènes bactériens de résistance ont permis aux bactéries de modifier la cible visée par l'antibiotique afin de rendre celle-ci méconnaissable», est-il cité dans une étude  de la docteure Marie Archambault de l’Université de Montréal.

Selon Serge Desnoyers, la solution à l’adaptation des bactéries est donc d’utiliser les antibiotiques à moins grande échelle. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prône elle aussi une utilisation plus judicieuse des antibiotiques. Le directeur de l’IMII mise également sur les nouvelles technologies pour produire de meilleurs traitements. «L’industrie pharmaceutique essaie toujours de créer de nouveaux produits synthétiques. La technologie permet en plus de mieux cibler l’endroit où doivent agir les antibiotiques», confirme-t-il.

Les propos de la docteure Marie Archambault poursuivent dans le même ordre d’idées selon lequel l’efficacité des antibiotiques pourrait être préservée si les dosages et la longueur des traitements étaient davantage contrôlés. Elle rapporte dans son étude que «le Danemark, la Suède et l’Australie sont particulièrement proactifs dans ce domaine» et suggère que le Québec adopte une réglementation du même genre. Le gouvernement fédéral affirme pour sa part se préoccuper du problème en offrant entre autres un soutien financier au Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA), qui observe les tendances sur l’usage des antimicrobiens à l’échelle nationale.

Pas avant dix ans
Le projet des chercheurs de l’Université de Nottingham de matérialiser leur découverte en un nouvel antibiotique ne risque cependant pas de se réaliser avant 2020. «Les chercheurs doivent investir des années de recherche pour s’assurer que leur produit n’engendre aucun effet secondaire dangereux», explique Serge Desnoyers de l’IMII. En effet, le dernier antibiotique commercialisé à ce jour, le Tygacil, a pris 13 ans avant de se retrouver dans les pharmacies de la planète.

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