Penser à utiliser les batteries au lithium des véhicules électriques et hybrides pour alimenter le réseau est une éventualité qui plane depuis deux ans déjà au département, affirme le professeur Christian Gagné. « À certaines heures, la demande pour un réseau électrique peut être supérieure à sa capacité. Alors, au lieu d’avoir à construire de nouvelles lignes, les villes pourraient proposer aux propriétaires de voitures de vendre leur électricité », justifie-t-il au sujet du concept nommé « Vehicle-to-Grid » ( V2G ).
Au Québec, la demande excédentaire survient surtout le matin et à l’heure du souper. « En se réveillant et en revenant du travail, les gens allument les lumières de leur maison et montent le chauffage », explique à son tour le professeur Maxime Dubois. Les voitures électriques, elles, doivent être rechargées particulièrement sur les heures de travail et durant la nuit, ce qui répartirait également les demandes au réseau, indique le chercheur.
Charger et décharger avec la même borne
Le professeur et chercheur Maxime Dubois compte développer une borne bidirectionnelle – qui puisse charger la batterie et rediriger à la fois son énergie – afin de tester le concept V2G. « Nous allons en installer une sur le Campus d’ici deux ans afin d’évaluer les répercussions que l’énergie transférée depuis une voiture peut avoir sur un réseau électrique », souligne-t-il. « Les stationnements et les propriétés privées pourraient être munis de ce type de bornes bidirectionnelles, ce qui permettrait aux conducteurs de charger ou de décharger la batterie au lithium dans le réseau selon leurs désirs », explique le chercheur. « Nous devrons aussi considérer la rigueur de l’hiver », ajoute-t-il. À ce sujet, l’entreprise québécoise AddÉnergie Technologies entend commercialiser dès ce printemps une borne spécialement conçue pour l’hiver canadien, mais qui ne permet pas de ramener l’énergie des batteries vers le réseau.
Les professeurs Gagné et Dubois travaillent par ailleurs sur un dispositif qui pourrait aider les propriétaires de véhicules électriques à choisir le meilleur moment pour vendre l’électricité produite, et ce, sans courir le risque de tomber en panne sèche. « Un ordinateur installé à bord des véhicules saisirait les habitudes de conduite et évaluerait le meilleur moment pour vendre l’électricité de façon rentable », explique Maxime Dubois. Ainsi, que le conducteur soit à la maison ou au bureau, il pourrait être averti par son ordinateur ou son téléphone cellulaire du meilleur moment pour vendre l’énergie contenue dans les batteries de sa voiture. « C’est évidemment dans une société future qu’il serait possible d’imaginer ce scénario, mais la technologie informatique dont nous disposons aujourd’hui en serait quand même capable », souligne-t-il.
Durée de vie raccourcie
Afin de bien évaluer la rentabilité de ces possibilités, les chercheurs doivent aussi considérer l’usure des batteries. « Les batteries au lithium perdent de leur capacité à chaque cycle de charge et de décharge », indique Maxime Dubois. Selon les estimations du chercheur, une batterie au lithium peut réaliser de mille à deux mille cycles de charge et de décharge au cours de sa vie utile. Ainsi, la durée de vie des batteries se situerait entre trois et quatre ans si la voiture était déchargée quotidiennement. Si toutefois, en plus de la recharge régulière, les batteries devaient servir quotidiennement à soutenir le réseau électrique, leur durée de vie utile tomberait à moins de deux ans. « Dans les prix de vente proposés par les vendeurs-conducteurs, ce n’est vraiment pas négligeable », reconnaît Maxime Dubois. Celui-ci cherche donc à déterminer l’effet qu’aurait cette usure sur le prix de l’électricité vendue depuis les batteries des véhicules. « On tente de tester les batteries en considérant qu’elles ne sont pas toujours complètement rechargées ou déchargées. Après on sera capable d’évaluer la différence en dollars par kilowatt-heure », affirme le chercheur.
Pour qu’un scénario comme celui envisagé par Maxime Dubois se concrétise, plus de véhicules électriques devront évidemment circuler sur les routes. Pourtant, c’est pour bientôt, selon lui. « Plusieurs modèles de véhicules électriques arrivent sur le marché. Dans un an ou deux, on risque de voir beaucoup plus de véhicules hybrides branchables ( sic ) et tout électriques », lance-t-il. Soulignons par exemple l’arrivée de la Leaf toute électrique de Nissan qui arrivera sur le marché canadien en 2011.
Pour ce qui est de la mise en marché d’une borne bidirectionnelle, le chercheur confirme que des recherches sont en cours, mais il ne croit pas qu’elle sera commercialisée avant dix ou quinze ans, ce qui laisse autant de temps au phénomène des voitures électriques de se populariser et de faire ses preuves.