Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a déposé son deuxième budget depuis le retour au pouvoir du PLQ, jeudi dernier. Si ce budget signe le retour à l’équilibre budgétaire, cela semble se faire au détriment des systèmes d’éducation et de santé. Des annonces qui suscitent angoisse et colère dans le milieu universitaire.
Du côté de l’Université Laval, l’établissement a « tiré l’alarme » d’urgence lors de l’annonce des prochaines compressions que devra subir l’institution. La direction estime que cette orientation budgétaire lui enlèvera 11 millions de dollars dans son budget, ce qui s’ajoute aux coupes de 42 millions de dollars que l’Université a subies au cours des neuf derniers mois.
Bien que les conséquences précises de ces nouvelles compressions n’aient pas encore été dévoilées, il est possible que celles-ci aient des retombées sur les services offerts aux étudiants, sur le salaire des employés de l’Université, sur l’augmentation des fusions de sections et sur la baisse de fonds donnés à la recherche fondamentale dans certains programmes. Il est également possible qu’elles entraînent une suspension de certains programmes et une diminution du nombre de cours offerts aux étudiants.
Pour le vice-recteur de l’Université Laval, Éric Bauce, le gouvernement a oublié la fonction première des universités et il est en train de placer cette institution dans une crise sans précédent. « En transférant son déficit, et donc ses problèmes budgétaires, aux universités à un rythme de 1,3 M$ par jour, le gouvernement ne semble pas réaliser qu’il met en péril l’avenir du Québec. Si la tendance se maintient, le financement gouvernemental des universités aura totalement disparu autour de 2021 », déclare M. Bauce par voie de communiqué.
Le vice-recteur rétorque que plusieurs solutions sont envisageables à l’intérieur même des universités pour aider le gouvernement à atteindre son équilibre budgétaire. L’une de ces solutions se trouverait dans le budget destiné aux infrastructures.
« On a, à l’université, ce qu’on appelle un budget d’investissement pour entretenir nos immeubles et nos infrastructures. On a 40 millions par année là-dedans et il n’y a eu aucune coupure là-dedans. Et ce qu’on demande [au gouvernement], c’est d’en utiliser une partie pour pouvoir alimenter notre budget d’opération », explique M. Bauce.
Inquiétude des associations étudiantes
Du côté des associations étudiantes, le mécontentement était aussi très fort à l’endroit du gouvernement à la suite de la publication du budget.
« Tous les économistes chevronnés […] disent qu’une période d’austérité, c’est presque un poison, cela peut même entraîner une stagnation sur le plan économique. Pour nous, ce n’est pas une fin en soi, on trouve simplement qu’il y a un fétichisme autour de l’équilibre budgétaire. Oui, il faut atteindre l’équilibre budgétaire, oui, il ne faut pas pelleter les problèmes par l’avant, mais est-ce qu’il faut y aller à ce rythme aussi soutenu ? », se questionne le président de l’ÆLIÉS, Christian Djoko.
Selon Thierry Bouchard-Vincent, président nouvellement élu de la CADEUL, les conséquences exactes de ces compressions devraient être davantage visibles lors de la présentation du prochain budget de l’université. Celui-ci s’inquiète tout de même des répercussions à venir : « Ce qui est fou, c’est qu’il y a une espèce d’insécurité systémique parce que chaque mois les gens ne peuvent pas aller de l’avant, car ils ne savent pas ce qui va être dans leur budget, ils ne savent pas quelles coupures vont s’en venir. »
Les représentants des associations étudiantes s’entendent pour dire qu’aucun secteur de l’Université ne devrait subir des compressions de la sorte. Selon eux, il est avant tout essentiel de protéger les services aux étudiants, et ce, pour maintenir la qualité et la diversité des programmes universitaires.
Le dialogue pour régler la crise
Bien que certains étudiants aient décidé d’adopter la stratégie des grèves pour forcer la main au gouvernement, la CADEUL, l’ÆLIÉS et la direction de l’Université Laval ont décidé d’employer le dialogue avec l’État pour le convaincre de changer ses plans budgétaires.
Pour ces trois acteurs, il ne fait aucun doute que tout le monde doit ramer dans le même sens pour avoir une chance de convaincre le gouvernement qu’il se trompe. « Je pense que tout le monde a une volonté de s’écouter présentement et de comprendre les besoins, parce qu’au final, tout le monde est affecté par tout ça », commente Thierry Bouchard-Vincent.
Parmi les solutions proposées, l’ÆLIÉS, en collaboration avec la direction de l’Université, a d’ailleurs écrit un mémoire pour exposer les conséquences directes que pourraient avoir les politiques d’austérité sur le rendement des universités.
Vers un printemps plus long?
Est-ce que les nouvelles coupures qui ont été annoncées dans le dernier budget vont mobiliser davantage les étudiants et ainsi étirer la durée des grèves? Pour l’instant, ni la CADEUL ni l’ÆLIÉS n’ont voulu se mouiller sur la question, précisant que ça dépendra de la volonté des étudiants d’être en grève plus longtemps que prévu.
Du côté de la direction, bien qu’elle n’encouragera pas les étudiants à faire la grève, elle comprend que ceux-ci soient frustrés par la façon dont le gouvernement s’attaque au système universitaire.