Le cours Ordre mondial au XXIe siècle, visé par une injonction d’une étudiante en études internationales et langues modernes, s’est donné mercredi 1er avril, avec trois policiers à la porte. Le professeur a tenu un discours éloquent sur la démocratie, versus la volonté privée, devant la salle de classe.
Trois policiers et deux agents de sécurité étaient présents en avant de l’amphithéâtre 3C du pavillon Charles-de Koninck, mercredi dernier, afin de faire respecter l’injonction émise mardi 31 mars par le juge Serge Francœur de la Cour supérieure, concernant un cours de premier cycle en histoire. Catherine Leblond, étudiante en études internationales et langues modernes, est à l’origine de la demande. Son cours d’histoire avait été annulé en raison du piquetage, la semaine précédente.
Alors que quelques étudiants avaient déjà pris place dans la salle de la classe, Vincent Fauque, chargé de cours au Département des sciences historiques et responsable du cours Ordre mondial au XXIe siècle, s’est exprimé sur son sentiment à l’encontre de ladite injonction : « Je pense que c’est un moment idéal pour réfléchir sur le sens de la démocratie. Qu’est-ce qui doit avoir préséance ? Est-ce que c’est une volonté privée ou est-ce que c’est une volonté publique ? […] L’injonction répond à un droit individuel et elle maintient implicitement qu’un droit individuel doit être supérieur à un droit collectif. Toute la question de la démocratie se pose à partir de là. »
Le droit de grève et l’injonction en question
Le chargé de cours ne remet nullement en cause le droit de grève des étudiants et le processus de piquetage, qui l’avait pourtant empêché de tenir son cours la semaine précédente : « Le piquetage, c’est un droit qui a été exercé par l’association qui avait obtenu son mandat de grève. Ça me paraît être l’exercice d’un droit démocratique normal. […] Il n’y a pas de problème quand on laisse la démocratie s’exprimer. Les problèmes commencent à survenir quand on bloque ou on gêne l’exercice d’une démocratie. »
C’est d’ailleurs autour de ces questionnements que le professeur a décidé d’articuler son cours. « Autant profiter de cette opportunité-là pour réfléchir. On est dans un lieu public, universitaire, avec un droit de parole, ça me paraît être le moment privilégié pour ce genre de choses », commente-t-il. Toutefois, il insiste sur le fait que les étudiants qui n’assisteront pas au cours ne seront pas pénalisés : « On n’est pas dans un lieu pour être pénalisé, on est dans un lieu pour réfléchir. »
Vincent Fauque a également profité de cette tribune pour se positionner sur les associations étudiantes. « Si on reconnaît une association, on doit le reconnaître le droit afférent. Ou sinon, cela invalide la reconnaissance. Pourquoi reconnaître une association si on lui interdit une expression ou si on invalide son droit ? Ça n’a pas de sens ! », lance-t-il, sous les applaudissements de plusieurs étudiants.
Les étudiants mitigés
Après l’intervention du professeur en avant de la salle, Gabriel, étudiant dans le cours visé par l’injonction, a à son tour pris la parole pour demander que le vote de grève de l’association étudiante d’études internationales et langues modernes soit respecté : « J’invite les gens à respecter ce droit collectif-là que nous avons, et donc de ne pas se présenter au cours. Il n’y a rien qui vous empêche d’y aller. Vous en avez totalement le droit. Mais moi, je suis cohérent avec ce que je prône, c’est-à-dire un respect de la démocratie, des choix collectifs. Et donc, comme nous sommes en grève, j’inviterais tous ceux qui sont ici à respecter leur mandat et à ne pas se présenter au cours. »
Pour Philippe, étudiant déjà entré dans la salle avant le discours du professeur, le processus d’injonction reste une mesure « ridicule » selon lui : « Un tel recours n’était pas nécessaire. Il y a quatre voitures de police qui sont en ce moment devant le pavillon. C’est complètement ridicule. »
Paula, autre étudiante en études internationales et langues modernes, demeure plus nuancée : « Je ne trouve pas que la grève soit le meilleur moyen de pression dans la situation présente. […] Mais je trouve que l’injonction est une façon assez drastique. »
Catherine Leblond, étudiante à l’origine de l’injonction, n’a pas souhaité répondre à nos questions, spécifiant seulement que son seul souhait est « de terminer mon BAC à temps ». Dans sa requête, elle affirme notamment que sa demande est tributaire d’un voyage qu’elle planifie en Hongrie en mai prochain.
Mme Leblond poursuit l’Université Laval pour 20 000 $ et les associations étudiantes d’histoire et d’anthropologie pour 10 000$ chacune. Toutefois, selon Cynthia Marmen, coordonnatrice de l’Association des étudiants en histoire (AÉÉH), « il faut en comprendre que si l’étudiante peut terminer sa session, et obtenir son diplôme, aucun recours supplémentaire ne sera encouru par cette dernière ».
« Nous nous réjouissons que les tribunaux garantissent le droit d’accès aux classes aux étudiants. On dénote un effet d’entrainement sur le terrain depuis le début de la grève suite à nos nombreuses interventions dans les médias », a réagi Miguaël Bergeron, porte-parole de la Fondation 1625.