De plus en plus de sportifs revêtent des vêtements de compression avec l'idée que ces shorts, bas et chandails amélioreront leurs performances.

Compression et performance

 «Je vais pédaler plus vite.» «Je pense que je vais reprendre mon entrainement plus rapidement.» «Je me sens mieux après mon entrainement.» Ces commentaires recueillis auprès de sportifs par des finissants au baccalauréat en Kinésiologie démontrent que, malgré leur percée récente, les vêtements de compression éveillent l'espoir des sportifs. Quand ils sont mis à l'épreuve, ces attributs tiennent-ils la route?

Les vêtements de compression diffèrent des maillots que portent par exemple les cyclistes ou les coureurs du fait qu'ils apportent surtout du confort et facilitent la ventilation du corps, précise Guy Fortin, passionné de vélo et conseiller chez Sports Expert Laurier. Parce que leur percée sur les marchés est encore récente (plus ou moins deux ans), les vêtements de compression, ajoute M. Fortin, sont réservés à une clientèle encore très pointue. Toutefois, la demande va en croissant : d'où l'intérêt que leur ont porté les trois étudiants et de nombreux chercheurs.

Les compagnies qui commercialisent ces vêtements élastiques qui améliorent le retour veineux et le débit sanguin, vantent surtout leurs supposés mérites pour l'amélioration de la performance et de l'endurance cardiovasculaire. On joue en fait sur la propriété prouvée des vêtements de compression à améliorer la circulation sanguine et donc à favoriser l'apport d'oxygène aux muscles pour l'étendre à la performance, tel que l’ont constaté Madeleine Dufour, Jessica Drolet et Yannick Pagé. Ils se sont donc penchés sur le cas des vêtements de marque Adidas, Skins et Under Armour dans le but de trouver une confirmation ou une infirmation à ces allégations dans des études scientifiques.

Dans une recherche présentée par les étudiants-conférenciers, des chercheurs de l'Université australienne Charles-Stuart ont justement voulu savoir si les vêtements de ces trois marques avaient une influence sur la force de tir et la performance de joueurs de cricket pendant un exercice de lancers et de sprints. On souhaitait vérifier si les vêtements de compression amélioraient réellement la circulation sanguine et le retour veineux, s'ils facilitaient l'élimination du lactate sanguin et des marqueurs de dommage musculaire, comme la créatine kinase, et s'ils réduisaient les vibrations dans les os. La perception de l'effort et de la douleur des joueurs portant tous un vêtement de compression a premièrement été testée pendant l'exercice. Vingt-quatre heures après l'effort et considérant le port du vêtement à ce moment-là également, les chercheurs ont mesuré le taux de lactate accumulé dans les muscles sollicités. Après 24h, on s'est attardé au taux de créatine kinase.

Les résultats de cette étude publiée en 2007 dans le British Journal of Sport Medecine ont démontré une diminution de moitié de la douleur perçue et un taux de créatine kinase également réduit grâce au port du vêtement. Les étudiants ne relèvent toutefois aucune influence sur le niveau de performance dans les mesures de lancés et dans les sprints répétés, ni sur le rythme cardiaque des joueurs et sur leur épuisement. Non plus de différence marquée entre les trois marques de vêtement. On a cependant remarqué des valeurs «significativement réduites» de créatine kinase chez les joueurs portant des vêtements Skins et Under Armour, comparativement aux groupes de contrôle, conclut l'étude.

À la lumière de ces tests et de quatre autres recherches concernant notamment la performance dans les sauts, l'endurance pour la course à pied et la récupération des muscles, les trois finissants ont questionné la véracité des allégations avancées par les compagnies qui commercialisent des vêtements de compression.

Fausse publicité?

Adidas vante notamment ses vêtements Techfit comme étant conçus «pour améliorer la performance» grâce au niveau de compression élevée «sur les groupes de muscles-clé, ce qui accélère l’apport en oxygène vers les muscles et accélère l’élimination des déchets dans les muscles». Sur le site officiel, on avance même un effet de «lance-pierre» : les bandes de compression des vêtements serviraient à «emmagasiner et retourner l’énergie élastique pour aider les athlètes à générer plus de puissance», ce qui peut augmenter selon eux la «hauteur des sauts», la «puissance» et la «vitesse».

Or, notent les étudiants, la capacité des vêtements de compression à augmenter la puissance et la hauteur dans les sauts a été notamment démentie par une étude sur la récupération suivant des exercices de pilométrie avec bris musculaires. Des chercheurs de l’Université anglaise d’Exeter n’ont en effet noté aucune influence sur «la performance dans les sauts» ni sur la «force fonctionnelle des muscles» induite par le port de jambière et ce, pour un exercice de squats répétés et de sauts verticaux. Une amélioration significative de la récupération des muscles a néanmoins été observée, dans la mesure ou «l’effet  de compression promouvrait un alignement stable des fibres musculaires et atténuerait la réponse inflammatoire» des muscles sollicités, rapportait l’étude publiée en 2010 dans l’European Journal of Applied Physiology. Les chercheurs reconnaissent donc que la force des muscles est affectée par les dommages subis et par la vitesse à laquelle la récupération s’effectue, mais si la force a à être influencée par les vêtements de compression, c’est parce qu’ils accélèrent vraisemblablement la récupération et diminuent l’endolorissement des muscles, concluent-ils.

La marque Skins base pour sa part son argumentaire sur la citation de recherches indépendantes pour alléguer que leurs produits augmentent bel et bien le retour veineux, «réduisent les dommages aux muscles induits par l’exercice», «accélèrent le processus de récupération», «éliminent l’acide lactique plus rapidement» et «augmentent l’oxygénation des muscles». Cela demeure notamment vrai, selon les étudiants, dans la mesure où des recherches le confirment bel et bien. Quant aux allégations selon lesquelles ces vêtements de compression «augmentent la force et la puissance» et «améliorent l’endurance», Skins tiendrait pour acquis, selon eux, des attributs sur lesquels les chercheurs soulevaient une «possibilité».

Les étudiants-conférenciers en viennent donc à la conclusion qu’il est «exagéré» de la part des compagnies d’affirmer que les vêtements de compression augmentent la performance et la puissance.  Les études prouvent cependant leur véritable effet sur la récupération, donc sur la diminution du lactate et de la créatine kinase, ainsi que sur la perception de la douleur. Ces effets, combinés à l’action sur le retour veineux et la circulation sanguine semblent donc être ce qui, après coup, affectera la puissance et la performance, concluent les trois étudiants.

Crédit photo : Claudy Rivard

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