IRM cerveau humain - Laboratoire de neurosciences cognitives

Participants recherchés

Elles polluent nos boîtes courriel @ulaval.ca, ont trait à une multitude de domaines de recherche et offrent dix, vingt, voire 120 dollars en échange de notre précieux temps. Regard sur les messages de recrutement de participants à des projets de recherche universitaire.

« Bonjour, nous sommes présentement à la recherche de participants âgés de… ». Des courriels contenant une telle amorce, un détenteur d’une adresse @ulaval.ca en a reçu 24 au total lors de la session automne 2015, indiquent des chiffres compilés par Impact Campus. Leurs auteurs, majoritairement des étudiants-chercheurs au 2e ou 3e cycle, vous ont invité à prendre part à des études dans des domaines tels que la psychologie (6), les neurosciences (4) et la réadaptation physique (3).

Durée totale de votre participation, toutes les séances incluses : d’aussi peu qu’une à trente heures, pour une moyenne de 3h40. Rapporté au prorata de la compensation monétaire moyenne proposée (42$), cela signifie donc que le « salaire » moyen était de 11,46$ par heure. Mais attention ! Si vous vous êtes porté volontaire pour l’étude « Nouvelle approche pour les hommes en rupture amoureuse », d’une durée totale de trente heures, mais « rémunérée » 50$ au total, votre taux horaire était de…1,67$.

Qui se porte volontaire pour prêter son corps à la science sur le campus ? Selon notre compilation, être un individu entre 18 et 40 ans, doté d’une bonne santé et, surtout, exempt de troubles neurologiques ouvre la porte à la plupart des projets de recherche universitaires. Certains critères d’éligibilité sont néanmoins très pointus. Par exemple, une étude sur le sommeil exigeait de votre part que vous ayez « fait des cauchemars de façon régulière au cours des 12 derniers mois », et ce « minimalement une fois par semaine pendant quatre semaines consécutives » !

Un écho considérable

Antoine Hone-Blanchet a une réponse singulièrement différente à cette question. Le doctorant en médecine expérimentale au Laboratoire de neurosciences cognitives du Centre interdisciplinaire en  réadaptation et intégration sociale (CIRRIS) recrute régulièrement par l’entremise de la liste d’envoi de courriel @ulaval.ca qui est mise à la disposition des étudiants-chercheurs. Lors de l’envoi d’un seul courriel, il peut recevoir jusqu’à 200 réponses. « C’est un écho considérable pour des projets requérant 20 participants », estime-t-il.

Même son de cloche du côté de Guillaume Plante, étudiant à la maîtrise en psychologie au Laboratoire de recherche en psychologie de la perception. « Puisque nous n’avons besoin que d’un nombre limité de sujets, nous recevons un nombre suffisant de réponses  dès l’envoi d’un message de recrutement à la communauté universitaire », affirme-t-il. Selon lui, le taux de réponse varie considérablement au cours d’une même session : « Au début de la session, nous recevons facilement une cinquantaine de réponses tandis qu’à la fin, nous atteignons péniblement la vingtaine ».

Si la majorité des répondants sont des étudiants, les deux étudiants-chercheurs notent la présence de nombreux employés de l’Université, qui ont aussi accès aux courriels @ulaval.ca. Les traits communs de tout ce beau monde : la curiosité, un intérêt certain pour la recherche, le tout renforcé par l’obtention d’une petite compensation monétaire. « S’il peut peser dans la balance, l’appât du gain n’est jamais la principale motivation » assure Guillaume.

Éthique de la recherche

Et c’est voulu ainsi, lance Édith Deleury, professeure émérite à la Faculté de droit de l’Université Laval et présidente du Comité universitaire d’éthique de la recherche (CÉUR). C’est le CÉUR  qui chapeaute l’éthique de la recherche sur le campus. « Pour fixer le montant des compensations, on tient compte du temps demandé, de la distance à parcourir et de l’implication exigée », explique-t-elle. Le but : éviter que les participants à ces projets de recherche soient exploités, et ce, dans les deux sens du terme.

Autre mandat du CÉUR (et ses trois comités sectoriels, les CÉRUL) : l’approbation des messages de recrutement envoyés à la communauté universitaire. En fait, ce que vous lisez dans votre boîte courriel est passé entre leurs mains. Une fois approuvées, aucune modification ne peut être apportée aux sollicitations écrites. « La participation ne peut être exigée si les devis expérimentaux, et leur présentation, ne sont pas béton. Après tout, ce qui n’est pas scientifique n’est pas éthique », soutient-elle.

D’ailleurs, selon Mme Deleury, une « formation » en matière de conduite responsable destinée à l’ensemble des intervenants mobilisés par la recherche serait actuellement « sur la planche à dessin » du Vice-rectorat à la recherche et à la création de l’Université Laval. Les outils qui la composeront sont actuellement en cours d’élaboration et seront lancés au printemps 2016, nous indique l’Université.

Si le CÉUR  fait un peu office de « police de la recherche » sur le campus, Édith Deleury trouve le rôle quelque peu réducteur. « En fait, nous sommes davantage des accompagnateurs que des obstacles. Les questions en matière de recrutement, de protection de la vie privée, de devis expérimentaux et ainsi de suite sont légitimes et font partie du processus normal de la recherche. C’est un apprentissage normal à faire dans la vie d’un étudiant-chercheur », conclut-elle.

Faits vécus

Ne reculant devient rien, Impact Campus a prêté son corps à la science en participant à deux projets de recherche au cours de la session automne 2015. Récits.

Claustrophobes, s’abstenir

Pew, pew, pew… crrrrrrrr… bang ! L’appareil de résonance magnétique dans lequel je viens de m’allonger mène un boucan d’enfer, digne d’une scène épique de Star Wars. Heureusement qu’on m’a remis des bouchons d’oreille ! Sinon, il y a fort à parier que je virerais fou au cours des 50 minutes pendant lesquelles je dois rester complètement immobile dans la bête cylindrique.

Avant de me glisser là, on a placé deux électrodes sur mon scalp. Ces dernières transmettent un courant électrique à certaines zones de mon cerveau – une forme de stimulation cérébrale non-invasive (tES) m’a-t-on dit. Le but de cette expérimentation apparemment sans risque : quantifier l’effet de la tES à l’aide de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) sur le cerveau d’individus non-fumeur et fumeurs.

Selon le responsable de l’étude et doctorant en médecine expérimentale Antoine-Hone Blanchet, la neurostimulation est un domaine de plus en plus étudié dans le domaine de la gestion de la douleur, des dépendances et de certaines maladies, comme le Parkinson. « Nous en sommes à l’étape d’en éclaircir les mécanismes d’action et les effets secondaires sur certaines populations », dit-il, tout en insistant sur le caractère fondamental de l’entreprise.

Ça reste entre vous et moi, mais je suis finalement tombé dans les bras de Morphée quelques minutes après le début de l’expérimentation. Comme quoi ce n’était pas si inconfortable après tout…

Sans queue, ni tête

Seul dans un petit local sombre du Laboratoire de recherche en psychologie de la perception, je juge de la longueur relative d’intervalles temporels délimités par des signaux auditifs. Avec la souris de l’ordinateur devant lequel je suis assis, je rends mes jugements : clic droit si les sons entendus sont différents, clic gauche s’ils sont identiques, et vice versa plus tard dans l’expérimentation.

Parlons-en d’ailleurs de l’expérimentation : elle comprend deux sessions expérimentales d’une durée de 30 minutes chacune pendant lesquelles je suis soumis à neuf blocs de trente-six essais. Faites le calcul : c’est 648 essais en tout. Aliénant dites-vous ?

Pourtant, comme le dit Nicolas Grondin, un participant régulier à ce genre d’expérience (NDLR son père, Simon Grondin, est le directeur du Laboratoire en psychologie de la perception), c’est nécessaire. « On sent que ça donne un véritable coup de main, même si ça ne consiste qu’à peser sur un bouton à répétition ou à répéter des syllabes sans queue ni tête », fait-il valoir.

Auteur / autrice

  • Maxime Bilodeau

    Journaliste (beaucoup), kinésiologue (un peu) ainsi qu’amateur de sports d’endurance (jamais assez), Maxime œuvre au sein d’Impact Campus depuis 2013. Le journaliste-bénévole qu’il était alors a ensuite dirigé les Sports pour, finalement, aboutir à la tête du pupitre Société, une entité regroupant les sections Sports, Sciences & technologies et International. Celui qu’on appelle affectueusement le « gârs des sports » collabore aussi à diverses publications à titre de pigiste. On peut le lire entre autres dans Vélo Mag, Espaces, et L’actualité.

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