Bonjour à vous tous, collègues étudiants et étudiantes,
Avant toute chose, je vous somme de lire cette lettre jusqu’au bout. Même si les propos abordés ici vous semblent non pertinents, peu familiers ou simplement inutiles, ils ne le sont pas et revêtent une importance cruciale pour nous tous. Aussi, le théâtre et ses mots sont mon seul vocabulaire, alors comprenez-bien que je ne parle qu’en leur nom.
Certes, vous voyez mon discours s’éclaircir. Vous voyez mes mots arriver à grands pas, m’apprêtant comme bien d’autres, encore une fois, à discuter du cas des compressions budgétaires dans le secteur de la culture de la part du gouvernement fédéral. Discuter encore une fois? Oui. Revenir sur les gestes du passé? Oui. Vous faire part le plus clairement possible, au nom de plusieurs, de notre opinion sur ces gestes? Oui.
Plusieurs se sont déjà prononcés sur les récentes coupures dans le domaine des arts. Je pense à Wajdi Mouawad, entre autres, à une panoplie d’artistes dans le cadre du gala des Gémeaux, à Robert Lepage, et j’en oublie plusieurs qui sont tous montés sur la place publique afin de prendre position. Pour nous qui travaillons dans l’ombre, qui sont encore sur les bancs d’école, la prise de parole nous est moins facile, plus ardue. Heureusement, les journaux comme celui-ci sont un moyen d’expression libre, et j’espère m’y prononcer au nom de tous ceux qui n’ont pas cette chance.
Pour paraphraser une de nos professeures, le théâtre se veut un «réflexe biologique d’évolution». Il permet en effet à tous ceux qui y assistent de se voir confrontés à diverses situations qui les font réfléchir, qui les font évoluer, et ce, en tout temps. Pour d’autres, le théâtre se veut un simple divertissement, une forme d’amusement, et c’est tout aussi légitime. Il est aussi parfois un moyen de revendication, d’éducation ou encore d’éveil collectif. Mais avant tout, le théâtre est un art vivant en constante évolution, un art qui se transforme.
Pour tout peuple, pour toute civilisation, l’art est crucial. Il lui sert de soupape, il permet d’équilibrer les forces en puissance, d’évoluer. Il permet également à toute culture de rayonner auprès de ses voisines, il nous permet d’être vus des autres. Toutefois, si personne ne nous permet cette visibilité, si les forces en puissance se montrent simplement désintéressées, (même pas positionnées contre l’art, mais simplement désintéressées), si elles nous rejettent du revers de la main, si elles coupent dans les fonds peu nombreux qui permettent à nos créations d’aller hors du pays, comment la nation québécoise rayonnera-t-elle? Dans l’oubli, dans le vide culturel, comment s’affranchir d’une identité profonde aux yeux des autres cultures qui, elles, rayonnent si bien?
Je n’ai malheureusement pas de réponse unique à toutes ces questions. Je n’ai que des mots, mes seules armes de guerre, à prononcer jusqu’à ce qu’on nous écoute enfin, jusqu’à ce qu’on ouvre les yeux. L’art est le miroir du peuple, alors sans moyens de faire de l’art, quel miroir nous tendons-nous?
Mathieu Larrivée
Un étudiant parmi tant d’autres.